
Dans un contexte politique et social marqué par les élections présidentielles de décembre 2018 et de fortes répressions des mouvements sociaux par le gouvernement et ses représentants, l’Agence pour le développement et la promotion du projet grand Inga (ADPI-RDC) a annoncé la signature d’un « accord de développement exclusif » avec deux consortiums d’entreprises sino-espagnol pour la construction du Barrage Inga III dont les coûts sont estimés à quelques 14 milliards de dollars US
1. Inga I et II, histoire et réalités
Pensé dès 1925 par l’État colonial belge, le méga-projet « Grand Inga » visait alors à construire sept barrages hydro-électriques près de Matadi à l’ouest du pays, afin de faire de la République démocratique du Congo (RDC) le leader et moteur énergétique du continent africain [2]. Depuis, deux barrages ont été construits à l’époque du Zaïre alors dirigé par Mobutu, Inga I et II (inaugurés respectivement en 1971 et en 1982), mais très loin de répondre aux attentes initiales, ceux-ci constituent deux des plus célèbres « éléphants blancs » bâtis en Afrique à cette période de Guerre froide.
D’une puissance initiale de près de 1800 MW [3], les deux barrages ne fonctionnent actuellement qu’à 20% de leur capacité de production. En cause, des malfaçons dès leur construction menées par des entreprises belges et étasuniennes, en parallèle d’une maintenance plus qu’insuffisante par les différents gouvernements qui se sont succédés. (...)
Dans le même temps, l’essentiel de l’énergie produite par Inga I et II profite aux multinationales extractivistes situées 2 000 km à l’est du pays dans la région du Katanga, riches en minerais [5] ainsi qu’aux États frontaliers [6]. Si la très grande majorité de la population congolaise – notamment celles situées sous la ligne à haute tension – ne profite donc pas de ces barrages impulsés à l’époque par la Banque mondiale et le FMI, elle continue encore aujourd’hui de rembourser cette dette odieuse.
2. Inga III : Pour qui ? Pour quoi ?
Dans ce contexte, l’annonce de la construction du Barrage Inga III pose clairement question.(...)
2.1. Deux consortiums d’entreprises préoccupants …
Deux consortiums d’entreprises aux profils préoccupant ont été retenus pour la construction d’Inga III.
Aujourd’hui, tant pour la RDC que pour une partie significative du continent africain, la réalité est un manque criant d’accès à l’électricité donc, mais aussi d’accès à l’eau, à l’éducation, à la santé, aux logements, aux terres, à des infrastructures de qualité, etc. Répondre à ces problématiques est donc essentiel pour les populations, d’autant qu’elles constituent des droits humains fondamentaux et des piliers indispensables pour leur émancipation.
Des alternatives existent [19]. Dans le cas présent, « pas moins de 200 sites à travers le pays, représentant 100 gigawatts de capacité de production » [20] ont été identifiés par l’administration congolaise et pourrait permettre une production décentralisée de l’énergie tout en répondant partiellement au double défi du réchauffement climatique et de la dépendance financière. Plus largement, la mise en place d’audit citoyen pourrait permettre – via l’identification et l’annulation des dettes illégitimes – de libérer les fonds nécessaires à la promotion d’un développement endogène des différents secteurs micro et macro-économiques, politiques, sociaux et culturels, de remettre entre les mains des populations la gestion et la décision des politiques publiques à mettre en place, tout en se libérant des diktats des différents créanciers.