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Radio France et le Cercle des économistes : des liaisons dangereuses
Article mis en ligne le 4 juillet 2020
dernière modification le 3 juillet 2020

Fin avril, la direction de Radio France présentait à son conseil d’administration un projet de partenariat entre le service public radiophonique et le Cercle des économistes, sous la forme d’une « association pour les Rencontres économiques d’Aix-en-Provence ». La section CGT de Radio France alertait alors sur la promotion d’un groupe de réflexion essentiellement composé d’économistes libéraux, et dont le président et plusieurs membres sont proches d’Emmanuel Macron.

Dans ces rencontres se croisent des grands patrons, des responsables publics et des économistes pour la plupart membres du Cercle. Cette année, sur les plus de 300 intervenants programmés, on ne compte qu’une vingtaine d’économistes critiques, de syndicats, d’associations et de partis politiques de gauche invités pour porter un semblant de contradiction. Sur la totalité des 66 économistes invités, 50 sont membres du Cercle. Restent une dizaine d’internationaux, et une poignée d’universitaires qui s’inscrivent dans une démarche plus ou moins critique vis-à-vis du courant économique dominant.

En ce qui concerne le monde du travail, la disproportion est également frappante (...)

Bref : une parodie de pluralisme et de démocratie dans un océan d’orthodoxie libérale… consacrée par le service public !

Car si la Maison ronde n’héberge pas gracieusement l’événement [4], elle ouvre en revanche grand la porte aux connivences et aux convergences d’intérêts entre grandes entreprises, responsables politiques… et le service public journalistique. Les hauts-lieux du chic parisien ne manquent pourtant pas, mais le Cercle des économistes tient à s’assurer l’attention des grands médias en faisant cette fois-ci le pari du in situ, alors que chaque année, le traitement de cet événement demeure un enjeu politique et médiatique de premier plan [5].

Une telle cérémonie, parrainée par des multinationales du CAC40, des cabinets de conseil privés et de grandes banques internationales, a-t-elle sa place dans les locaux de Radio France ? (...)

La direction de Radio France assure que les antennes du service public – France Info, France Inter et France Culture – couvriront « éditorialement » l’événement, « avec la même indépendance » que d’ordinaire [6]. Démarche que nous avons d’ores et déjà pu vérifier : le 21 juin, au micro de France Musique, le président du Cercle des économistes, Jean-Hervé Lorenzi, était en effet reçu… en toute impertinence : « La symphonie concertante [de Mozart] pour ouvrir cette émission pouvait correspondre à un trait de caractère qui est le vôtre : on sent beaucoup d’énergie, beaucoup de volonté, et à la fois, ce brin de nostalgie qui vous accompagne toujours. »

Nous considérons que le service public n’a pas à accueillir une manifestation qui célèbre l’accaparement du débat économique par un cercle libéral ! Cela d’autant plus que le pluralisme en la matière est chaque jour piétiné dans les grands médias. (...)

Pour dénoncer la mascarade des Rencontres économiques, un collectif organise chaque année, en partenariat avec des médias indépendants, des Rencontres déconnomiques. S’y expriment des voix alternatives marxistes, postkeynésiennes ou régulationnistes, largement privées d’expression dans les médias dominants. Le 23 mai, leurs organisateurs ont adressé un courrier à la présidente de Radio France, Sibyle Veil, réclamant que « différentes écoles de pensée dans le domaine des sciences économiques » soient représentées, via de nouveaux intervenants. Un courrier resté lettre morte.

Dans ces conditions, et parce que les liaisons dangereuses entre le Cercle des économistes et Radio France constituent une nouvelle injure au pluralisme des idées, au service public et au fonctionnement démocratique, nous appelons les auditeurs à la vigilance critique quant au traitement de cet événement et de ses débats par les chaînes du service public, et quant au choix des invités qui seront sollicités à l’antenne.

Par ailleurs, on ne peut que s’étonner que des représentants d’organisations de la gauche de gauche – du PCF à EELV en passant par Ensemble, la CGT, Attac, etc. – aillent se mettre dans une telle galère (...)

Enfin, nous appelons à ce que les Rencontres déconnomiques [9], organisées cette année dans différents médias alternatifs via « L’Opération Radio France », soient l’occasion d’aborder la question des médias comme un enjeu politique de premier plan. De faire valoir une critique radicale du système médiatique dominant, et d’aborder les perspectives de sa transformation, en commençant par celles qui visent à rebâtir un service public – radiophonique et télévisuel – digne de ce nom !