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Mediapart
« Rafale Papers » : les « factures bidon » du système Dassault
Article mis en ligne le 7 novembre 2021

Mediapart publie les fausses factures présumées qui ont permis à Dassault de verser au moins 7,5 millions d’euros de commissions occultes à un intermédiaire pour décrocher le mégacontrat des Rafale en Inde. Malgré ces documents, la police fédérale indienne a choisi d’enterrer l’affaire.

Sociétés offshore, contrats douteux et factures bidon. Selon nos informations, les enquêteurs du Central Bureau of Investigation (CBI), la police fédérale indienne, et leurs collègues de l’Enforcement Directorate (ED), l’agence antiblanchiment, ont obtenu dès le mois d’octobre 2018 les preuves que Dassault a versé au moins 7,5 millions d’euros de commissions occultes à l’intermédiaire Sushen Gupta afin de finalement décrocher en 2016 la vente de 36 chasseurs Rafale à l’Inde pour 7,8 milliards d’euros.

C’est ce que montrent des documents confidentiels issus d’une autre affaire de corruption instruite par ces deux agences : le Choppergate, un contrat d’achat d’hélicoptères remporté par le groupe italo-britannique AgustaWestland. Mediapart a eu accès à plus de 12 000 pages de documents issus du dossier d’enquête du CBI, dont certains ont déjà été révélés en avril dernier par l’agence de presse indienne IANS*. (...)

Ces éléments confirment et complètent les révélations de notre enquête Rafale Papers, qui ont provoqué en juillet dernier l’ouverture par la justice française d’une enquête portant notamment sur des soupçons de « corruption », « trafic d’influence » et « favoritisme », menée par les juges d’instruction Virginie Tilmont et Pascal Gastineau.

L’intermédiaire Sushen Gupta avait touché, pour le contrat des hélicoptères, des commissions occultes d’AgustaWestland par l’intermédiaire d’une société boîte aux lettres immatriculée à l’île Maurice, Interstellar Technologies Ltd. Les autorités mauriciennes ont accepté de fournir au CBI et à l’Enforcement Directorate de nombreux documents concernant cette société, dont des contrats, des factures et les relevés de ses comptes bancaires.

C’est ainsi que les enquêteurs indiens ont découvert que Sushen Gupta a également servi d’intermédiaire à Dassault Aviation pour le contrat des Rafale. Interstellar, sa société mauricienne, a reçu au moins 7,5 millions d’euros de l’avionneur français entre 2007 et 2012 grâce à des contrats informatiques manifestement surfacturés, dont l’essentiel des recettes était discrètement envoyé à l’île Maurice grâce un système de fausses factures présumées. Certaines écorchent même le nom du groupe français, décrit comme « Dassult Aviation » (voir le document ci-dessous). (...)

Ces commissions occultes sont d’autant plus troublantes que Sushen Gupta, dans un document obtenu par l’Enforcement Directorate, suggérait, en septembre 2012, avoir distribué de l’argent pour le compte de Dassault à des officiels indiens. « Le risque est pris, vous avez un agent, on a payé, maintenant faites en sorte que tout soit légal et propre. […] Pas d’argent, pas de décision. […] Des gens en fonction demandent de l’argent. […] Si on ne paie pas, ces gens vont nous mettre en prison », indiquait l’intermédiaire dans cette note, déjà révélée par Mediapart.

D’autres documents obtenus par les enquêteurs indiens montrent qu’en 2015, lors de la négociation finale du contrat Rafale, Sushen Gupta a obtenu des documents confidentiels du ministère de la défense sur la position des négociateurs indiens, portant notamment sur le calcul des prix des avions. Dassault s’est refusé à tout commentaire sur ces documents. Sushen Gupta n’a pas répondu.