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Raid sur les Roms
paru dans CQFD n°95 (décembre 2011), par Gilles Lucas mis en ligne le 15 décembre 2011
Article mis en ligne le 16 décembre 2011

« Les mesures en cause révèlent un non-respect des valeurs essentielles inscrites dans la Charte européenne, notamment la dignité humaine, dont la nature et l’ampleur vont au-delà des violations ordinaires de la Charte. » La Commission européenne des droits sociaux n’a pas mâché ses mots pour décrire, le 10 novembre 2011, l’attitude de la France vis-à-vis des Roms. Qu’importe ! Á Marseille, les attaques et les violences policières contre ces « Européens » continuent.

C’est la fin de la journée, en ce 22 novembre, et les Roms, qui ont sillonné les rues de la capitale phocéenne à la recherche de quelques objets dans les poubelles, se reposent et trient leurs marchandises dans leur campement de fortune. Cela fait un certain temps qu’une dizaine de familles s’est installée sur ce terrain attenant à l’Église Saint-Martin d’Arenc, bâtiment condamné à la destruction par les bulldozers d’Euroméditerranée.

Il est 19 h 30 lorsque trois policiers, deux hommes et une femme, surgissent. « On peut facilement les reconnaître. Le gros et le grand sont les plus dangereux, dit Brishen [1], c’est ce dernier qui, au marché de Noailles, au centre-ville, nous donne des coups de pied quand il nous rencontre. » Et Hugo de poursuivre : « Ces deux-là nous bloquent quand ils nous croisent dans la rue et détruisent les poussettes avec lesquelles nous transportons ce qu’on trouve dans les poubelles ». Selon les témoignages, ce soir-là, donc, c’est le gros qui se montre le premier. Dans une main son arme de service et dans l’autre une gazeuse avec laquelle il asperge immédiatement l’espace. Les trois pandores se mettent alors à hurler « Allez, dégagez ! ». Un quatrième policier resté jusqu’alors dans la voiture rejoint ses collègues pour participer à l’arrosage de gaz tout le monde, l’intérieur des tentes et, après les avoir éventrés, des sacs de nourriture afin de les rendre impropres à la consommation. Yoshka reprend : « Ils ont commencé avec des couteaux à couper et à déchirer les tentes dans lesquelles des enfants dormaient. Puis ils s’en sont pris aux poussettes tout en continuant à nous gazer, souvent à quelques centimètres des yeux. » Côté policier, l’ambiance est plutôt bonne : « Ils nous traitaient de “merde”. Ils se moquaient de nous. Le grand et la femme riaient », rapporte Zoran. Les enfants, eux, hurlent, pleurent. (...)

Alors que les cris et les pleurs des femmes et des enfants résonnent dans les rues de ce quartier désert, des habitants d’immeubles voisins s’alarment. Ce sont eux qui vont appeler les secours. Les pompiers arrivent, et la police aussi… Yoshka : « Un de ces policiers a vu l’homme blessé qui était à terre. Puis il s’est rendu compte de ce qui venait de se passer, de la nourriture écrasée, des tentes déchirées, des gens paniqués, des enfants qui suffoquaient. Il a décidé de rester avec nous pendant plus d’une demi-heure pour être sûr que ses collègues qui avaient fait cela ne reviennent pas… » (...)

Cette expédition a eu lieu dans le troisième arrondissement de Marseille. On peut imaginer aisément que des communications radio ont été échangées, et même que, peut-être, un registre compile les dates, les heures et les noms des agents et leurs secteurs d’intervention. En fait, avec tous ces éléments, rien de vraiment concret pour pouvoir incriminer nominativement ces agresseurs en uniforme… (...)

pour l’heure, aucun déplacement du ministre de l’Intérieur sur les lieux où vient de se dérouler « cet acte inadmissible qui appelle à la plus totale sévérité » n’est encore annoncé. En attendant, l’association Résistances Tsiganes a décidé de soutenir la plainte qu’une des victimes a l’intention de déposer, afin de donner du poids à la parole d’un Rom qui, comme on le sait, ne vaut pas grand-chose face à un uniforme.

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