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Rapport IGSJ - IGAS - IGA d’évaluation du dispositif « mineurs isolés » Un rapport froid et déshumanisé
/GISTI
Article mis en ligne le 12 novembre 2014

En janvier 2014, la garde des Sceaux, la ministre des affaires sociales et le ministre de l’intérieur ont demandé à leurs
services d’inspection respectifs d’évaluer le « dispositif national de mise à l’abri, d’évaluation et d’orientation des mineurs isolés étrangers » issu du protocole entre l’État et l’Association des départements de France (ADF) signé en mai 2013.

La mission d’inspection a remis son rapport en juillet 2014.
À ce jour, aucun des trois ministères n’a jugé utile de le rendre public, alors même que des centaines de mineurs isolés continuent d’être exclus du dispositif de protection de l’enfance. Pour autant des copies de ce rapport sans ses annexes circulent depuis peu.

(...) Les auteurs émettent des avis négatifs sur nombre des points que nous avions soulevés. Ainsi : « le protocole et la circulaire ne comportent aucune disposition sur l’information et l’exercice des droits des jeunes isolés étrangers » (p. 46). Ils relèvent que la majorité des décisions des conseils généraux mettant fin à l’accueil provisoire d’un jeune ne sont ni motivées ni notifiées, privant ainsi les intéressés de la possibilité d’engager un recours
(p. 47).

Ils soulignent que les transferts d’un département à l’autre en fonction de la clé de répartition négociée entre l’État et l’ADF ne prennent pas en compte l’intérêt de l’enfant (p. 48 et 49).

Les départements auraient réalisé en un an près de 9300 évaluations destinées à vérifier la minorité et l’isolement de jeunes en demande de protection mais seulement 4000 d’entre eux ont bénéficié d’une mesure d’admission, soit un taux de 43 % (p. 51). Ces évaluations, dans certains départements, conduisent à l’exclusion de plus deux jeunes sur trois (p. 54).

La mission estime à propos de ces évaluations que « le recrutement d’agents ayant de bonnes connaissances géopolitiques sont un atout majeur pour décrypter le récit du jeune » et accorde un satisfecit particulier à la PAOMIE, la permanence d’évaluation de Paris (p. 54). Avis pour le moins étonnant lorsque l’on sait qu’à peu près dans le même temps que la remise de ce rapport le Défenseur des droits écrivait, à propos de la permanence parisienne, qu’elle outrepassait ses attributions et compétences en portant des appréciations sur la validité des actes d’état civil présentés par les jeunes, qu’elle faisait une mauvaise appréciation du critère de l’isolement, et portait « des jugements empreints de stéréotypes non pertinents pour la qualité de l’évaluation » (...)

la mission s’inscrit dans la même logique de suspicion que le protocole et la circulaire. Elle préconise seulement de mieux former les personnels chargés des évaluations (p. 57), d’instaurer un référentiel des procédures d’évaluation (p. 58) et de mieux organiser les expertises documentaires (p . 59).

Elle va même plus loin en estimant que « la présence d’un document authentique ne signifie pas que l’identité qu’il
mentionne est celle de son porteur » (p. 60) contredisant directement les instructions de la garde de Sceaux qui a, pour sa part, affirmé « qu’il n’y a pas lieu de remettre en cause l’appartenance au mineur des documents administratifs qu’il présente et dont l’authenticité n’est pas contestée ».

À propos des expertises documentaires, il est intéressant de relever que dans 50 % des cas dans lesquels elles ont été effectuées – ce qui supposait un doute sur la validité du document produit –, elles concluent à l’authenticité des pièces d’état civil de l’intéressé. Dans 20 % des cas, elles ne permettent
pas d’aboutir à une conclusion. Elles ne révèlent des contrefaçons que dans 20 % et des falsifications dans 6 % des cas (p. 60).

Les recommandations de la mission deviennent même ouvertement répressives lorsqu’elle estime nécessaire de
« rappeler aux départements l’obligation de signaler au parquet les fraudes documentaires et à l’identité, ainsi que la faculté de porter plainte et de se constituer partie civile en cas de préjudice » (p. 64). Concrètement, il s’agit là de leur conseiller de s’engager dans des procédures qui permettent de
réclamer à un jeune dont la minorité aurait été contestée le remboursement du montant de la prise en charge de X semaines ou mois dont il aura bénéficié. (...)

Les rédacteurs et rédactrices de ce rapport ont manifestement été plus préoccupé ?e ?s par la recherche d’« ajustements opérationnels » nécessaires à la survie politique et juridique du dispositif que par l’amélioration de l’accueil et la protection des mineurs isolés. Il en ressort un rapport froid et déshumanisé où l’on s’interroge « sur la qualité des contrôles aux frontières de
l’espace Schengen » (p. 23) en semblant déplorer qu’autant de mineurs étrangers puisse entrer irrégulièrement et où l’on se préoccupe de « sensibiliser les juges des enfants à la question du retour des MIE dans leur pays » (p.76) avant même d’aborder la question de leur droit au séjour.

Dans ces conditions, si le dispositif national survit aux menaces juridiques qui pèsent sur lui (p. 40), les recommandations de cette mission ne sont pas susceptibles de le transformer en autre chose que ce qu’il est : un système de gestion des flux incapable d’améliorer la protection due aux mineurs isolés étrangers.