
Le gouvernement a demandé au Conseil d’orientation des retraites (COR) de publier une nouvelle prévision des finances du régime allant jusqu’en 2030. Peu de temps donc après la projection de juin, qui allait jusqu’en 2070. Son objectif est clair : il s’agit de montrer que le système est déficitaire et donc qu’il faut des mesures de correction avant 2025, date envisagée pour la mise en place de la retraite par points, « pour redresser l’équilibre financier du régime ».
C’est donc la baisse de la part des ressources dans le PIB qui provoque le déficit annoncé par le COR. Cette baisse provient essentiellement de la baisse de la part de la contribution de l’Etat à l’équilibre des régimes de retraites de la fonction publique et des régimes spéciaux. En fait, le COR propose trois conventions comptables. (...)
Selon la première, les taux de cotisations sociales seraient constants (TCC), la part des ressources du système de retraite dans le PIB baisserait de 13,7 % du PIB en 2018 à 13,2 % en 2025. Du fait de la baisse de la part de la masse salariale publique, les cotisations versées par le secteur public baissent de 0,3 point de PIB. La moitié du déficit provient donc de l’austérité salariale et de la baisse des effectifs publics. C’est la double peine : les salaires stagnent, les effectifs publics décroissent et c’est un argument pour baisser les retraites. Il faut noter que cette convention oublie que l’Etat est juridiquement obligé de financer les retraites de ses fonctionnaires et que le déficit apparent du régime a sa contrepartie en amélioration du solde de l’Etat et des collectivités locales. (...)
Il n’y a donc pas de déficit important, autre que celui résultant de conventions comptables faussées par la baisse de la masse salariale du public. (...)
D’ailleurs, le COR conclut : « Au total, l’apparition du besoin de financement du système de retraite sur la période de projection résulterait davantage d’une réallocation des ressources au sein des administrations publiques au détriment de l’assurance vieillesse (via des effets de structure liés à la population active et la démographie) qu’à une hausse des dépenses du système qui restent stables en regard du PIB. »
Même si cela n’est pas évoqué dans le rapport du COR, il faut considérer l’ensemble de la protection sociale. Acceptons donc que les régimes de retraite aient un déficit de 17 milliards d’euros en 2025, la dette sociale serait remboursée, c’est donc 16 milliards, actuellement utilisés pour rembourser les marchés financiers, qui seront disponibles pour financer la retraite ou pour améliorer les conditions de vie et de travail dans les Ehpad (ce que l’on pourrait faire plus vite d’ailleurs en réduisant le rythme de remboursement).
En 2025, sauf changement hautement souhaitable mais peu probable de la politique familiale (la revalorisation des prestations familiales, leur indexation sur les salaires), la branche famille aurait un excédent de 3 milliards d’euros. Le rapport prévoit un taux de chômage de 7 % en 2025 ; dans ce cas, l’Unédic aurait un excédent de 8 milliards (avant prise en compte de la contre-réforme de 2019). La protection sociale prise globalement aurait donc un excédent de l’ordre de 10 milliards d’euros. On voit qu’il suffirait d’un léger transfert de cotisations entre l’Unédic et la retraite pour équilibrer le compte de la seconde.
3/ Combler un déficit inexistant
Compte tenu de la commande du Premier ministre, le COR est obligé d’analyser des mesures visant à combler un déficit inexistant en 2025 (...)
Parmi ces mesures, le Conseil propose : soit d’augmenter l’âge minimal de départ à 64,3 ans (63,1 ans) pour la génération 1963, ce qui obligerait beaucoup de seniors à retarder de deux ans leur départ à la retraite, sachant que beaucoup ne pourraient se maintenir en emploi ; soit d’augmenter la durée de cotisation requise pour le taux plein à 46,3 ans (44,2 ans), ce qui aurait de lourdes conséquences à moyen terme (les jeunes qui commencent à cotiser à 23 ans auraient droit à une retraite à taux plein à 69 ans) ; soit une baisse de 1,1 % (0,6 %) par an du pouvoir d’achat des retraites par la non-indexation de leur pension sur l’inflation. Dans ces trois cas, l’affirmation du Président : « Les personnes nées avant 1963 ne seront pas affectées » serait aussi peu tenue que celle du candidat : « Je ne toucherai pas au pouvoir d’achat des retraites ». Reste enfin la possibilité d’une hausse du taux de cotisation de 1,5 point si on prend la fourchette haute du déficit ou 0,8 point si on prend la fourchette basse.
Le COR précise alors : « Les hausses de cotisation ne doivent pas nécessairement être lues comme une hausse globale des prélèvements obligatoires : il s’agit de se substituer à une baisse de ressources provenant d’entités publiques (assurance chômage, CNAF, régimes de fonctionnaires) qui dégageront de facto des marges de manœuvre financières supplémentaires ». Notons cependant que cela ne doit pas oblitérer la lutte pour la revalorisation des prestations familiales, contre la réforme de l’Unédic, contre la baisse des effectifs des services publics.
4/ Garantir le niveau des retraites, assurer le financement
Il n’y a pas de problème structurel de financement en 2025 avec les hypothèses faites en matière de dépenses. Ceci ne nous empêche pas de considérer que la baisse relative des retraites par rapport aux salaires n’est pas souhaitable (...)
On notera pour finir que le COR défend son existence menacée par le rapport Delevoye : « Il est important que le COR soit le lieu où sont établis les diagnostics sur la situation financière de notre système de retraite. Ils (Les membres du COR, NDLR) considèrent en effet tous qu’un tel diagnostic se doit d’être partagé et, de ce fait, ne peut résulter de simples travaux d’experts, quelle que soit leur qualité, mais doit être élaboré sous le contrôle vigilant de l’ensemble des parties prenantes au débat sur les retraites ». On aimerait approuver, sachant que la question de la composition du COR devrait être posée (en particulier quant aux membres qualifiés et aux représentants des retraités) tout comme celle de son fonctionnement (le rôle de son secrétariat par rapport à celui des membres).