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Réchauffement climatique : sur CNews, ça n’existe pas, sur TF1, c’est l’occasion de se baigner
/Samuel Gontier
Article mis en ligne le 21 juillet 2022

Le dérèglement climatique ? “Y a pas de dérèglement”, clame un énième “expert” invité par Ivan Rioufol sur CNews. Trois semaines plus tard, alors que la Gironde flambe, le JT de TF1 célèbre, à travers maints reportages, une providentielle canicule qui permet aux Français de savourer des glaces et des baignades. Vivement qu’il fasse 50 degrés, on va s’éclater !

« Nous allons aborder un tout autre thème, le climat. » Le 26 juin dernier, sur CNews, un « tout autre thème » est abordé après d’indispensables débats sur les grands sujets du moment – « Burkini à Grenoble : le Conseil d’État dit non. » « Fin du burkini, une victoire historique ? » « Comment lutter contre l’emprise islamiste ? » « L’interdiction du burkini est-il (sic) la bonne réponse ? » Entre deux canicules, Ivan Rioufol reçoit un éminent scientifique, « François Gervais, physicien, ancien expert du Giec », annonce la présentatrice, qui demande : « Ivan, pourquoi avoir voulu inviter François Gervais qui est très controversé, disons-le ? » Disons-le, Ivan Rioufol et CNews adorent inviter des gens « controversés » pourvu qu’ils soient des négationnistes du réchauffement climatique, tel Christian Gerondeau, vu aussi chez Pascal Praud. Au besoin, Ivan Rioufol pratique lui-même la négation des crimes nazis : « Quand le ghetto de Varsovie a été créé en 1940, c’était d’abord un lieu hygiéniste, c’était un lieu fait pour préserver du typhus », clamait-il en février dernier. Cette vaillante déclaration a valu à CNews une terrible sanction de l’Arcom, rien de moins qu’une mise en demeure. Devant un tel châtiment, c’est tout le groupe de médias qui a tremblé sur ses bases – Vincent Bolloré a repris deux fois du kouign amann. (...)

Rioufol attaque impitoyablement son invité : « Y a tout de même un dérèglement, on peut appeler ça un dérèglement climatique, ou pas ? » Ou pas. « Y a pas de règlement, réplique François Gervais, donc il peut pas y avoir de dérèglement. » Ah oui, c’est vrai, je n’y avais pas pensé. Il pourrait faire 70 degrés en Antarctique, ce ne serait pas un dérèglement puisqu’il n’y a pas de règlement. « Sur le plus ancien thermomètre du monde – 360 ans ! –, on voit des fluctuations qui ressemblent exactement à ce qu’on observe aujourd’hui. » Je me souviens, en 1351, on a eu un été caniculaire. « Y a pas de dérèglement ! » Seulement un net refroidissement (en Amérique du Sud la semaine dernière). (...)

« Alors pourquoi, si le Giec avalise ce faible réchauffement… » Le Giec de CNews. « … Un réchauffement infinitésimal, pourquoi entend-on ce discours unanimiste et apocalyptique sur une Terre infernale prête à exploser ? » Et une Gironde menacée par une imminente glaciation ? (...)

« Quel est le mécanisme qui s’est mis en place et que vous contestez ? » Un complot des élites mondialistes, à n’en pas douter. Gagné : « La Banque mondiale dit qu’il faudrait d’ici à 2030 dépenser 89 000 milliards de dollars pour lutter contre le réchauffement climatique, rapporte François Gervais. Ça pose deux questions : Qui paierait ? Et à qui ça profiterait ? Qui paierait, c’est facile, c’est nous, nous tous. » Et voilà, ce sont encore d’humbles éditorialistes de CNews qui vont devoir passer à la caisse pour remplir les poches de la juiverie mondiale – pardon, de l’islamo-gauchisme internationaliste. « À qui ça profiterait, cette formidable manne ? J’ai pas la réponse mais à chacun de voir à qui ça pourrait profiter. » Aux francs-maçons et aux enseignants, j’imagine. (...)

Ça y est, j’ai compris : le réchauffement climatique est une invention du lobby nucléaire. Tout s’éclaire. Les catastrophes de Tchernobyl et de Fukushima sont le résultat d’attentats commis par des climatologues qui voulaient empêcher la prise de pouvoir des nucléocrates. (...)

« Les flammes sont déjà là. » Trois semaines plus tard, dimanche 17 juillet, TF1 consacre vingt minutes de son JT aux incendies en Gironde. Spectacle assuré, bonheur de mes pupilles devant flammes et brasiers. Comme France 2, où Laurent Delahousse vante un reportage « en immersion » (je me demande si le terme est bien choisi), TF1 a obtenu le privilège de suivre au plus près une brigade de sapeurs-pompiers. « L’officier donne l’ordre à ses camions de pénétrer au cœur de l’incendie. Une tactique risquée uniquement employée par les pompiers dans le Sud-Ouest à cause du caractère très inflammable des forêts locales. » Ah bon, un caractère très inflammable ? Mais pourquoi donc ? Nous ne le saurons pas.

TF1 préfère saluer « les bénévoles [qui] luttent en appui des pompiers », parmi lesquels de dévoués « propriétaires forestiers ». Même reportage sur France 2 aux côtés de « bénévoles » désintéressés. « Avec les autres membres de son association, il travaille cette forêt depuis des années, aménagée spécialement pour ralentir les flammes comme avec ces pistes forestières qui ont un rôle de pare-feu. » Cette « forêt » est vraiment exemplaire. On se demande bien comment elle peut brûler. « Ces habitants ont à peine le temps de constater leur nature défigurée. » Leur « nature » ? Pardon mais ça n’a rien à voir avec la « nature ». C’est un paysage industriel de monoculture intensive forgé à grands coups d’engrais et de glyphosate, entièrement dédié au profit à court terme. Une caricature de productivisme qui détruit la biodiversité, appauvrit les sols, rend ces espaces vulnérables au dérèglement climatique. Avec la bénédiction d’un gouvernement qui dépèce l’ONF comme les autres services publics. Qui, avec son « plan de relance » de la filière bois, accorde des avantages fiscaux aux propriétaires pratiquant une sylviculture intensive et de dévastatrices coupes rases.

Voilà une semaine que les incendies font rage, que les JT y consacrent des heures… Mais jamais une seule mention, pas même dix secondes, sur le capitalisme débridé qui conduit à ces catastrophes. (...)

TF1. La journée de demain sera sans doute la journée la plus chaude jamais atteinte ». Chouette, on va pouvoir profiter du beau temps. « État des lieux. » Pour se rendre compte que, partout en France, cette canicule est une bénédiction. « 36 degrés à Landerneau », trompette le reporter, et un vacancier se réjouit : « On a des bottes et des cirés, ils sont restés dans la voiture. » Suivent de délicieuses images de baignades : « Pour se rafraîchir, il fallait rejoindre la côte. » Pour une fois que la mer bretonne n’est pas trop froide, c’est le pied. (...)

« Une chance que n’ont pas les Parisiens cantonnés aux berges du canal Saint-Martin. » Pas grave, ils ont d’autres plaisirs : « Certains se sont précipités sur les glaces. Ce vendeur est pris d’assaut. » « En période de canicule, témoigne le vendeur, on peut faire cinq cents clients dans la journée. » « À près de 4 euros la boule, complète le reporter, succès assuré. » Il faudrait que la canicule se poursuive jusqu’en octobre pour assurer la relance de l’économie (des glaciers). (...)

« Des glaces et de grands verres d’eau fraîche, c’est ce qu’il fallait aussi à Marseille. 31 degrés sur la plage dès le milieu de matinée. » C’est génial. Avec ces images de verres d’eau glacée et de baigneurs dans la Méditerranée, je suis intensément rafraîchi dans mon appartement parisien à 35 degrés. Je redoute même le coup de froid quand, à Flavigny-sur-Moselle, des locaux font trempette dans un cours d’eau. « L’eau est super bonne. » « On en profite. » (...)

« Là, on est très, très bien », savoure une baigneuse. (...)

« Mais, sous la tente, la température peine à descendre en dessous de 30 degrés. » Pauvres campeurs… Si au moins les CRS les expulsaient en déchirant leurs tentes, comme les exilés de Calais, ça les rafraîchirait. « Vingt-quatre heures dans un camping des Pyrénées-Orientales. » (...)

Sur place, le reporter constate : « Les grillades ont été remplacées par des crudités. » « Une salade, ça passe », vante une vacancière. Ça me rappelle le reportage de France 2 à Saint-Malo : « De base, confesse un jeune homme, je mange pas trop de salade mais, avec cette chaleur, c’est mieux de se rafraîchir. » Au terme d’une implacable enquête, le journaliste précise : « Sur cette terrasse, on mange léger, sans oublier la crème solaire. » « Je vais en mettre toutes les deux heures », promet une vacancière. (...)

Sur France 2, on est beaucoup moins centré sur l’actualité franco-française. Laurent Delahousse avertit : « Le Royaume-Uni est à son tour passé en alerte rouge. » À l’image, des gens se baignent dans de giganteques fontaines d’un diamètre bien plus imposant que celles de Manosque. Preuve que le Royaume-Uni est mieux équipé que nous pour lutter contre le dérèglement climatique… Sur ce, je vous laisse, je vais soigner ma pneumonie.