
Lettre ouverte de plusieurs organisations au Président de la République française
Nous, organisations humanitaires et de défense des droits humains, tenons à vous alerter une nouvelle fois sur la détérioration rapide de la crise au Yémen et vous exhortons à prendre les mesures nécessaires pour mettre fin aux abus contre les civils dans une guerre qui dure depuis 3 ans et demi. Le mois d’août a été l’un les plus meurtriers du conflit, avec plus de 450 CIVILS TUÉS en neuf jours, selon le CIVIL IMPACT MONITORING REPORT.
Le 9 août dernier, plus de 40 enfants ont été tués dans une attaque aérienne de la Coalition militaire menée par l’Arabie saoudite et les Emirats arabes unis qui a visé un bus scolaire dans le nord du pays. Après avoir dans un premier temps qualifié les frappes de « légitimes », la coalition a finalement RECONNU DES « ERREURS », promettant que leurs auteurs seraient punis et que des compensations seraient versées aux familles des victimes.
Depuis cette date, des dizaines d’autres pertes civiles ont été rapportées au Yémen, notamment lors d’un raid aérien de la coalition le 23 août qui, selon l’ONU, a tué au moins 22 ENFANTS fuyant Hodeidah avec leurs familles.
La semaine dernière, le Groupe d’éminents experts sur le Yémen (GEE), établi il y a tout juste un an par le Conseil des droits de l’Homme de l’ONU, a pointé de POSSIBLES CRIMES DE GUERRE de la part de toutes les parties au conflit. Le GEE estime que les frappes aériennes de la coalition sont à l’origine de la majorité des 6.600 décès de civils recensés par le bureau des droits de l’Homme des Nations Unies. « Les frappes ont touché des zones résidentielles, des marchés, des funérailles, des mariages, des centres de détention, des bateaux civils et même des centres médicaux », écrivent les experts, qui ont remis une liste confidentielle de noms de possibles auteurs de crimes de guerre à la Haut-Commissaire aux droits de l’Homme.
Cette recrudescence des attaques contre les civils intervient sur fond de crise humanitaire aigüe – la plus grave au monde selon l’ONU. Les Yéménites meurent de malnutrition et de maladies évitables faute d’accès aux biens et services de base. (...)
Face à l’extrême gravité de la crise, nous regrettons que le Yémen n’ait fait l’objet que d’une brève mention dans votre DISCOURS DU 27 AOÛT devant les ambassadrices et ambassadeurs, alors même que le ministre de l’Europe et des Affaires étrangères n’en a PAS DIT UN MOT. Nous notons avec intérêt votre annonce d’initiatives concrètes « dans les prochaines semaines » et espérons que le Yémen restera une priorité majeure de votre politique étrangère.
A la veille du lancement de consultations entre parties au conflit à Genève, sous l’égide de l’Envoyé spécial des Nations Unies Martin Griffiths, permettez-nous de formuler trois recommandations précises pour la diplomatie française à propos du Yémen.
Nous vous exhortons à condamner publiquement et systématiquement toutes les attaques contre les populations civiles yéménites et autres violations du droit international humanitaire par l’ensemble des parties au conflit. Le COMMUNIQUÉ DU QUAI D’ORSAY condamnant l’attaque du 9 août contre un bus scolaire reprend l’appel du Secrétaire général de l’ONU à l’ouverture d’une enquête mais omet de mentionner qui sont les auteurs des frappes. Or les « regrets » présentés par la coalition le 1er septembre pour les « erreurs » commises lors du raid montrent que l’Arabie saoudite et les Emirats arabes unis, principales forces de la Coalition, sont sensibles aux pressions de leurs alliés occidentaux, dont la France.
Nous vous appelons à tout faire pour assurer le renouvellement et le renforcement du mandat du Groupe d’éminents experts lors de la prochaine session du Conseil des droits de l’Homme. La France assure avoir joué un rôle important lors de la création, il y a tout juste un an, de cet instrument essentiel pour la lutte contre l’impunité. Nous vous appelons donc à soutenir la mise en œuvre sans délai des recommandations contenues dans son récent RAPPORT, en particulier l’arrêt immédiat des violences contre les civils et la levée des restrictions à l’accès humanitaire et au mouvement de personnes, notamment à travers l’aéroport international de Sana’a.
Après les dramatiques attaques contre des civils de ces dernières semaines, nous réitérons notre appel consistant à ce que la France suspende immédiatement les transferts de matériels militaires et d’équipements connexes à l’Arabie saoudite et les Emirats arabes unis dès lors qu’ils sont susceptibles d’être utilisés au Yémen pour commettre ou faciliter des violations graves du droit international humanitaire. « On ne peut pas se prévenir de tous les risques » a RECONNU LA SEMAINE DERNIÈRE la ministre des Armées Florence Parly à propos du Yémen.
Le Groupe d’éminents experts recommande à la communauté internationale de s’abstenir de fournir des armes qui pourraient être utilisées au Yémen. Trois Français sur quatre demandent une suspension des ventes d’armes aux pays impliqués au Yémen selon un SONDAGE YOUGOV pour SumOfUs. Parmi vos partenaires européens, l’Allemagne, la Belgique, la Norvège, les Pays-Bas, la Suède, et tout récemment l’Espagne, ont déjà restreint leurs ventes d’armes aux parties au conflit au Yémen. Aux Etats-Unis, le Congrès demande des comptes à l’administration Trump sur son appui à la Coalition et le Secrétaire à la Défense a été contraint d’admettre que le soutien américain à l’Arabie saoudite n’était pas inconditionnel.
En France, la Commission des Affaires étrangères de l’Assemblée nationale est saisie depuis plusieurs mois d’une RÉSOLUTION visant à créer une commission d’enquête parlementaires sur les ventes d’armes françaises dans le contexte du conflit au Yémen. (...)