
De nombreuses entreprises reprises en SCOP par leurs salariés ou certains projets d’Économie Sociale et Solidaire ont les plus grandes peines à être viables et à pouvoir assurer des salaires. Le patronat n’a de cesse de pointer la question du « coût du travail » en dénonçant les cotisations sociales qui en seraient responsables. C’est passer sous silence le fait que les entreprises sont loin d’être homogènes, certaines, notamment les plus grands groupes, captant plus de valeur ajoutée par salarié que d’autres. Plutôt que de faire baisser les cotisations sociales en amputant les budgets publics, pourquoi ne pas transférer de la richesse des plus riches vers celles qui en auraient le plus besoin ? Tel est l’objet de la proposition de Péréquation de la Richesse Disponible.
La gauche défend les cotisations sociales comme étant un acquis des luttes : le patronat ne doit pas seulement payer un salaire au travailleur mais doit l’assortir de paiements destinés à financer diverses prestations sociales telles que sa retraite future, ses congés pour cause de soins ou encore ses périodes de non emploi. On parle ici de salaire différé : des revenus que l’on touchera en cas de besoin. Mais l’architecture de la sécurité sociale de l’après-guerre a souhaité aller plus loin en l’étendant à une logique de salaire socialisé : les cotisations sociales peuvent aussi financer des services publics ou des dispositifs de revenus de remplacement non liés à la perception d’un salaire. C’est ainsi que les cotisations sociales financent aussi une bonne partie du budget public de la santé ainsi que les allocations familiales. Dans une perspective progressiste d’appropriation sociale dans laquelle seule les revenus du travail existeraient, excluant ainsi toute possibilité de revenus financiers, ces cotisations sociales seraient ainsi un moyen simple de financer les services non-marchands et les revenus de remplacement.
Dans l’immédiat, posons que l’augmentation d’une cotisation patronale a l’avantage d’être simple et de faire payer le capital plutôt que le travail, assertion qui est vraie dans les sociétés de capitaux, totalement fausse dans des structures autogérées telles que les SCOP : dans celles-ci les salariés sociétaires s’approprient la totalité de la valeur ajoutée et une hausse des cotisations patronales constitue un prélèvement supplémentaire pesant à la fois sur les salaires nets ou sur l’investissement. Autre contradiction : les cotisations sociales sont des prélèvements 1 proportionnels et non progressifs 2. La gauche a toujours défendu le principe de prélèvements progressifs tels que l’impôt sur le revenu : plus on gagne, plus le taux d’imposition augmente. Pire, ce sont les ultralibéraux qui défendent en général la flat tax, un impôt au taux unique sur tout ce que l’on gagne : le summum de l’injustice fiscale. Cette injustice est patente lorsque l’on constate les difficultés de nombreuses reprises d’entreprises par les salariés en SCOP. (...)
Jusqu’à présent la seule solution apportée par les gouvernements successifs a été l’exonération de cotisations sur les bas salaires. Ces solutions sont catastrophiques dans leurs résultats. Elles diminuent les budgets sociaux et lorsque l’État prend le relais, c’est alors le déficit qui se creuse. Pire, ces exonérations contribuent à créer des trappes à bas salaires : en augmentant le salaire, l’entreprise prend le risque de devoir gérer une augmentation de coûts supérieure à celui du salaire en lui-même. Quelle solution dès lors adopter ?
Plutôt que de rogner sur les budgets sociaux en abaissant le volume des cotisations sociales, plutôt que de mettre à contribution les budgets publics, pourquoi ne pas prendre sur les entreprises à forte valeur ajoutée par salarié ? Pourquoi ne pas exiger qu’une partie de la richesse produite par les entreprises soit redistribuée de façon strictement égalitaire entre les personnes en poste rompant ainsi avec les logiques marchandes à l’œuvre dans nos économies ? (...)