
Pour la mairie de Nice, le test de la reconnaissance faciale mené en février est très satisfaisant. Mais le gendarme de la vie privée dit manquer de détails pour un véritable diagnostic.
Durant trois jours en février, quelques milliers de Niçois ont été les cobayes d’une expérience unique en France : leurs visages captés par la vidéosurveillance ont été analysés en temps réel par un logiciel de reconnaissance faciale. (...)
Comme demandé à l’époque par la Commission nationale de l’informatique et des libertés (CNIL), compétente en matière de vidéosurveillance, un rapport tirant le bilan de cette expérience, dont Le Monde a obtenu copie, a été rédigé par la mairie de Nice et transmis à la CNIL. (...)
Un dispositif d’information avait été mis en place à l’entrée de la zone vidéosurveillée et seules les personnes ayant accepté de participer à l’expérience (un peu plus de 5 000 personnes) ont été passées au tamis du logiciel. « Aucune plainte quelconque [sic] de la part des usagers », n’a été recensée, écrit la mairie. Du côté des agents de la police municipale, c’est, semble-t-il, l’unanimité. « La reconnaissance faciale est perçue par les agents ayant participé à l’expérimentation comme un outil fiable et pertinent », écrit la municipalité, qui reproduit à l’appui de sa démonstration plusieurs rapports rédigés par ses agents, tous positifs.
La CNIL tique et demande des précisions
Le rapport est pourtant avare de détails, notamment techniques, sur le mode de fonctionnement exact du logiciel. A-t-il détecté par erreur des personnes qui n’étaient pas recherchées, ce qu’on appelle un « faux positif », l’un des principaux défauts de cette technologie ? A-t-il manqué dans la foule une personne pourtant recherchée ? Qu’a-t-il été fait des données biométriques (captation du visage des 5 000 participants) à l’issue de l’expérience ?
Sollicitée, la mairie de Nice nous a assuré qu’« aucun faux positif n’était remonté », que « l’ensemble des scénarios déployés avait permis d’obtenir une détection et une reconnaissance des personnes d’intérêt dans 100 % des cas » et que la durée de conservation des données avait été communiquée à la CNIL dans un précédent document.
Ce rapport est en tout cas loin d’avoir contenté la CNIL, à qui il a été présenté début juillet. Le texte, trop imprécis et manquant d’éléments techniques, n’a pas permis d’avoir « une vision objective de cette expérimentation et un avis sur son efficacité », fait-on ainsi savoir. L’autorité administrative a donc demandé, par un courrier du 16 juillet, de nombreux compléments d’informations, en particulier des éléments chiffrés sur l’efficacité du dispositif technique ou sur les conséquences concrètes d’un possible biais (lié au genre, à la couleur de peau…) du logiciel.
La CNIL expliquait, mardi, ne pas avoir reçu de réponse de la mairie de Nice. Cette dernière nous a fait savoir, mercredi après-midi, que ce courrier était « en cours d’instruction » par ses services et que l’expérience avait été trop courte pour répondre à certaines questions de la CNIL. Si la loi ne permet pas en l’état à la mairie d’aller plus loin que son test de février, elle ne donne pas non plus à la commission de pouvoir coercitif lorsqu’il s’agit d’une simple expérimentation.
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Nos confrères de Médiapart ont révélé ce lundi soir que la CNIL juge illégale la mise en place d’un dispositif expérimental de reconnaissance faciale aux entrées des lycées des Eucalyptus à Nice et Ampère à Marseille. (...)
La Quadrature du net, la Ligue des droits de l’Homme, la FCPE et le syndicat CGT Educ, ces quatre organisations avaient déposé un recours devant le tribunal administratif de Marseille pour demander l’annulation de la délibération du conseil régional autorisant la mise en œuvre d’une expérimentation de reconnaissance faciale dans deux lycées de la région, à Nice et Marseille. (...)
Pourtant, en décembre 20189, La CNIL avait donné son feu vert à la Région Provence Alpes Côte d’Azur pour lancer l’expérimentation de la "comparaison faciale" dans les lycées.
Des dispositifs ont été testés dès le mois de janvier 2019 dans deux établissements : Ampère à Marseille et les Eucalyptus à Nice. Il s’agit d’installer des portiques visuels de contrôle d’accès développés par Cisco, une société américaine.
"Ce dispositif ne saurait être légalement mis en œuvre", a tranché la Commission.
- RGPD : Première amende pour la Suède après avoir utilisé la reconnaissance faciale dans un lycée 28 août 2019
Il y a quelques jours nous apprenions que la Commission Européenne cherche à mettre en place une réglementation autour de la technologie de reconnaissance faciale. Son utilisation devient de plus en plus courante, suscite les débats et les abus sont nombreux.
Aujourd’hui ComputerSweden rapporte que la ville de Skellefteå en Suède, et plus précisément un lycée va écoper d’une amende de 200 000 SEK, soit environ 19 000 euros pour violation du RGPD.
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