
Pas facile quand on est jeune et chômeur de lancer son entreprise. Encore plus en Tunisie où, deux ans après la révolution, le chômage frappe encore massivement. C’est pourtant ce que réalisent huit jeunes tunisiens en lançant une coopérative spécialisée dans la fourniture de matériels de traduction. En s’appuyant sur le recyclage, le partage et l’autogestion. Leur premier défi : équiper les salles qui accueillent le Forum social mondial, pour que les débats d’idées puissent franchir la barrière de la langue.
(...) « Cette coopérative, c’est aussi une occasion unique de se réapproprier non seulement les nouvelles technologies mais surtout notre avenir », s’enthousiasme Wassim, un autre jeune coopérateur. Ils ne sont pas ingénieurs électroniciens, mais ont une formation en chimie, en agronomie, voir même littéraire ! « Ce qui a facilité le travail c’est d’abord l’amitié qui nous lie », confie Alaa. (...)
Ils ont tous été formés par Mohamed Jribi, un ingénieur électronicien tunisien. Il a pris conscience dès 2004, à l’occasion du Forum social mondial de Mumbai en Inde, des besoins importants en interprétariat. « Equiper les salles avec du matériel d’interprétation devenait vite un obstacle pour les gens qui n’avaient pas d’argent. Avec de simples radios FM, on a réussi à l’époque à ce que six grands amphis en soient dotés ». Et sans traductions, pas d’échanges d’idées possibles. C’est ainsi que naît le réseau Nomad, un collectif international de militants. (...)
La coopérative démarre grâce à un premier versement de 5 000 euros par le FSM. De quoi acheter le matériel de base. Tout le matériel fabriqué doit être libre de brevets et demeure la propriété du forum. 20% du matériel restera cependant au sein de la coopérative, pour qu’elle puisse continuer son activité.« Tout le monde est gagnant, car si on compare aux prix des professionnels, notre matériel coûte six fois moins cher et a une très bonne qualité ». Les jeunes de Redeyef pourront démarrer leur entreprise sans être endettés. (...)
En trois mois, ils ont construit 160 émetteurs FM, 80 « spiders » pour régler la sonorisation, et plus de 50 cabines pour les interprètes. « On a été plus efficaces que des professionnels, mais nous n’y serions jamais parvenus sans l’aide des bénévoles », précise Alaa. Depuis deux semaines, les « Nomad » ont créé un local provisoire au cœur même du campus universitaire où se tiendra le forum. « Il y a eu une rencontre magique entre les étudiants et les anciens chômeurs, relate Mohamed. Tous les jours, les profs sont là aussi pour échanger et aider. C’est un modèle d’auto-organisation assez réussi ! ». « Il n’y a pas de supériorité hiérarchique, tout le monde est responsable, c’est dans la charte de notre coopérative », se réjouit Alaa. (...)
Mais la forme juridique de la coopérative n’existe pas en Tunisie. « Le modèle coopératif est incompatible avec le capitalisme, constate Mohamed. Rien n’est fait pour l’encourager, mais je fais confiance aux jeunes de Redeyef pour montrer qu’une structure économique alternative est possible ». Les membres de Nomad 08 ont le projet, après le forum, de travailler à l’échelle locale, nationale et internationale (...)