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Les eaux glacées du calcul égoïste
Réenchanter nos rivières
Sylvain Rotillon
Article mis en ligne le 22 juin 2016
dernière modification le 19 juin 2016

Le directeur du Syndicat mixte du bassin versant de la Bièvre (SMBVB), Sylvain Rotillon, prône une nouvelle approche des rivières, car « la magie de travailler près de l’eau meurt petit à petit »…

« Le temps est venu de réenchanter nos rivières. Nous sortons difficilement d’une longue époque qui ne voyait dans ce chemin d’eau qu’une façon de nous laver de notre crasse collective, qu’un objet à utiliser, à forger à notre main en le redressant, le confinant, l’enterrant car prenant toujours trop de place.

Longtemps l’appréhension d’une rivière n’a pas différé de celle d’un canal ou d’un tuyau. On faisait de l’hydraulique brutale, à la rivière de se plier à nos caprices. Les manuels servant à déformer nos ingénieurs ne faisaient pas la différence. Vision fonctionnelle, réductrice, c’était le progrès d’hier.

Rien de plus triste que ces cours d’eau qui finissaient par tous se ressembler, réduits à un chenal unique quand on daignait les laisser à l’air libre.

Huysmans, parlant de la Bièvre, nous dit que « d’inutiles ingénieurs l’ont enfermée dans un souterrain, casernée sous une voûte… »

Cette époque qui ne savait pas regarder une rivière pour elle-même nous a laissé en héritage une situation qui nous conduit régulièrement à la catastrophe.

Catastrophe insidieuse qui a appauvri la vie des rivières, quand le murmure des ondes est un signal universel qui évoque la vie.

Catastrophe immédiate quand la rivière détruit car nous occupons son lit sans ménagement.

Catastrophe culturelle lorsqu’elle a perdu toute charge symbolique et n’est plus un sujet artistique majeur.

Courbet aurait-il envie aujourd’hui de peindre la Loue ? (...)

L’approche analytique est poussée à l’extrême, faisant perdre toute personnalité à ces anciennes divinités gauloises qui faisaient lien avec leur terroir. On les vénérait et on les craignait, elles étaient vivantes.

On ne fait plus qu’évoquer leur état, comme la médecine moderne nous réduit parfois à un bilan sanguin, elles sont réduites à une liste de paramètres.

Pourtant on ne travaille pas par hasard sur les rivières. C’est un métier de vocation à l’origine. Les « techniciens de rivière », quelle vilaine appellation, sont des amoureux de leur cours d’eau, le connaissent intimement. (...)

Dans la Soupe au canard, Groucho Marx s’écrie « un enfant de 4 ans saurait le comprendre ce rapport ! Allez me chercher un enfant de 4 ans ! »

Un enfant de 4 ans sait ce que c’est qu’une rivière, allez chercher un enfant de 4 ans, lui sera capable de nous les faire redécouvrir, de les réenchanter. »