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Fédération des acteurs de la solidarité (FNARS)
Réforme de la justice : interpellation des parlementaires par onze organisations
Article mis en ligne le 15 mai 2018

La Fédération des acteurs de la solidarité et 10 autres associations et organisations professionnelles engagées sur les questions carcérales et l’accompagnement des personnes placées sous main de justice ont interpellé les députés et sénateurs des commissions des lois.

Ce courrier collectif en date du 27 avril exprime des inquiétudes partagées concernant certaines mesures du projet de loi de programmation pour la justice, présenté en Conseil des ministres le 20 avril, dont le contenu est en fort décalage avec les annonces du Président de la République concernant la réforme. Si nous encourageons l’intention gouvernementale de favoriser le développement des peines en milieu ouvert, il apparaît que certaines mesures proposées ne permettent pas aux peines d’atteindre l’objectif de réinsertion sociale des personnes condamnées. D’autres mesures nous semblent, quant à elles, favoriser le recours à l’incarcération alors même que le constat d’une nécessaire et urgente baisse de la population carcérale est unanime.

Mesdames, Messieurs les député.e.s, membres de la Commission des lois,

Vous allez être prochainement amené.e.s à examiner le Projet de Loi de programmation pour la justice. Collectif d’associations et d’organisations professionnelles engagées sur les questions carcérales et l’accompagnement des personnes placées sous main de justice, nous souhaitons vous faire part de notre vive inquiétude face au fort décalage entre les annonces du Président de la République et les mesures proposées pour lutter contre la surpopulation carcérale, qui engendre des conditions de vie indignes pour les personnes détenues et des conditions de travail dégradées pour les personnels pénitentiaires.

Nous saluons l’intention gouvernementale de favoriser le développement des peines en milieu ouvert. Toutefois, il apparaît que plusieurs mesures proposées ne permettent pas d’atteindre l’objectif de réinsertion sociale des personnes condamnées, et donc de prévention de la récidive.

Ainsi, le projet de loi propose que la détention à domicile sous surveillance électronique devienne une peine autonome afin d’en favoriser le prononcé par les juridictions. Ce dispositif de surveillance pure est certes peu coûteux et préférable à des conditions indignes d’incarcération mais qui ne prévoit pas de mesures d’aide et d’accompagnement social systématiques, que l’on sait pourtant indispensables à la réinsertion de personnes souvent en situation de précarité avant même leur condamnation. Surtout, cette peine apparaît désormais dans l’échelle des peines comme principale alternative à l’incarcération, en lieu et place de la probation qui, elle, consiste en un accompagnement et un suivi adapté aux problématiques de la personne.

Il apparaîtrait plus efficace de renforcer certaines mesures existantes, qui offrent un accompagnement social global et renforcé comme le placement extérieur dans une structure assurant un hébergement, aménagement adapté aux personnes isolées et fragilisées. Or les crédits alloués à cette mesure ont considérablement diminué pour 2018. Cette situation risque par ailleurs d’être aggravée par la baisse des financements attribués aux Centres d’Hébergement et de Réinsertion Sociale (CHRS
) dans le cadre de la réforme de la tarification portée par le ministère de la Cohésion des Territoires1.
Le projet de loi propose par ailleurs que la contrainte pénale soit fusionnée avec le sursis mise à l’épreuve, créant ainsi une nouvelle peine de sursis-probation. Il nous semble nécessaire que cette nouvelle mesure ne se cantonne pas à un contrôle du respect des interdictions et obligations auxquelles les personnes sont soumises, mais qu’elle permette un accompagnement et un suivi aussi soutenu et individualisé que le prévoit la contrainte pénale.

Nous nous interrogeons aussi fortement sur les modalités de développement de la peine de travail d’intérêt général, peine de réparation exécutée en milieu ouvert (...)

Si ces mesures paraissent inadaptées pour répondre aux objectifs affichés, d’autres mesures sont contreproductives dans la lutte durable contre la surpopulation carcérale.

Si le constat d’une nécessaire baisse de la population carcérale est unanime, un projet d’accroissement du parc carcéral de 15 000 places est pourtant prévu dans le projet de loi, mobilisant une masse considérable des crédits du budget pénitentiaire au détriment des actions d’insertion en milieu ouvert, qui sont moins coûteuses, plus efficaces et porteuses de sens. (...)

la création de nouvelles places de prison conduit inexorablement à ce que celles-ci soient occupées, comme le montre l’évolution des données statistiques sur les quinze dernières années4. La construction ne peut donc pas être la réponse à la surpopulation carcérale.

Par ailleurs, l’abaissement du seuil des peines aménageables de deux ans à un an nous apparaît être en opposition complète avec l’objectif de désengorgement des prisons. En effet, cette mesure ne permettant plus d’aménager les peines qui excèdent un an engendrera mécaniquement une augmentation du taux d’incarcération.

Enfin, pour les peines de moins d’un an, les possibilités de saisine du juge d’application des peines par le tribunal correctionnel pourraient être réduites. En faisant en sorte que les magistrats prononcent eux-mêmes un aménagement de peine s’ils le jugent approprié à la situation de la personne, l’un des objectifs est de réduire le délai d’exécution de la peine. Pourtant, ils disposent de moins de temps et d’informations sur la personne jugée que le juge d’application des peines pour prononcer une sanction individualisée, prenant en compte le profil et la situation de la personne. Nous craignons ainsi que les magistrats aient d’avantage recours à l’incarcération ferme qu’à des peines aménagées.

Nous appelons votre attention sur ces sujets sur lesquels se polarisent nos inquiétudes et vous proposons une rencontre afin d’échanger sur ces questions de vive voix. (...)