
Depuis longtemps déjà l’extrême droite s’épanouit sur la toile. Des centaines de blogs déclinent toutes les formes de propagande réactionnaire, du catholicisme intégriste au néo-paganisme fascisant et, sur les forums des grands sites de presse ou les réseaux sociaux, des myriades de « commentateurs » anonymes martèlent joyeusement leurs convictions xénophobes, révisionnistes, nationalistes ou homophobes. Parallèlement pullulent des sites, largement interconnectés, dont le point commun, au-delà de quelques nuances – si l’on peut dire –, est de dénoncer ce qu’en d’autres temps ils auraient appelé l’anti-France – avec l’islam et les musulmans comme cibles prioritaires.
Certains de ces sites, organes de propagande des courants d’extrême droite les plus radicaux, sont pourtant construits de telle façon et ont acquis une telle audience qu’ils peuvent apparaître comme de véritables médias prétendant informer, ou plutôt, pour reprendre leur propre vocabulaire, « réinformer »… (...)
1. Les identitaires de la « réinfosphère » : Fdesouche et Novopress
Lancé en 2005 comme un blog censé relater « les pérégrinations d’un Français de souche dans le Paris occupé » (par les immigrés non européens et leurs descendants, s’entend…), fdesouche.com, dont le nom est tiré du spirituel pseudonyme de son auteur, François Desouche, prend son essor en 2006 en devenant un site de commentaire de l’actualité, et surtout, en permettant aux internautes de la commenter à leur tour – commentaires qui vaudront quelques ennuis judiciaires au site et à son animateur –, jusqu’à être adoubé par Marine Le Pen qui déclarait en 2010 : « Fdesouche, c’est un média à part entière »…
Un média peut-être, mais un média très singulier, qui ne produit aucune information, se contente de revues de presse, et surtout sélectionne et hiérarchise les « informations » jugées pertinentes selon des critères aussi étroits qu’obsessionnels. (...)
2. Pseudo-dissidence et fatras complotiste : Égalité et Réconciliation (E&R)
Avant d’être un site internet (egaliteetreconciliation.fr) pourvoyeur d’« analyses » de l’actualité, E&R est un mouvement politique qui se définit comme « une association politique "trans-courants" créée en juin 2007. Son objectif est de rassembler les citoyens qui font de la Nation le cadre déterminant de l’action politique et de la politique sociale un fondement de la Fraternité, composante essentielle de l’unité nationale. (...)
Tout d’abord, le site est chiche en informations à proprement parler : il existe bien des revues de presse depuis 2007, mais elles se contentent de classer par ordre chronologique des articles glanés à droite et à gauche sur des sites de la grande presse et alternatifs. Un « centre d’idées » propose bien diverses rubriques (religion, politique, économie, international, histoire, société, culture, communauté, défense, écologie, santé) qui pourraient rappeler celles d’un site d’information, mais la plupart d’entre elles sont soit très pauvrement garnies (un seul article dans la rubrique défense, deux dans les rubriques santé et écologie), soit ne proposent rien d’autres que des reprises de textes écrits pour la plupart ailleurs et par d’autres et qui n’entretiennent le plus souvent qu’un rapport ténu avec l’actualité.
Mais l’essentiel n’est pas là sur E&R. L’essentiel, c’est « la pensée » de son président qui en dispense généreusement et modestement quelques bribes dès la présentation du site : (...)
Voir encore, ces titres d’articles qui ne trompent pas quant à ce qui les inspire : « État des lieux de la liberté d’expression et de la domination sioniste sur la France » ; « Du culte de la Shoah comme pornographie mémorielle » ; « République, judaïsme et franc-maçonnerie » ; etc.
Plus largement, s’expriment sur le site toutes les accointances idéologiques qui vont traditionnellement de pair avec un antisémitisme obsessionnel (...)
Utilisant toutes les potentialités d’interactivité, de réactivité, de mise en forme graphique, de production et de diffusion de contenu audiovisuel offertes par internet, tous ces sites constituent des médias à part entière. Des médias modernes et efficaces, mais dont l’audience massive repose essentiellement sur la capacité de mobilisation des courants politiques qui les inspirent. De purs et simples organes de propagande donc, presque des médias thématiques, pour qui « réinformer » ne peut être que révéler ce que les médias et les pouvoirs officiels ou occultes dissimulent. En aucun cas, aucun d’entre eux ne peut donc être considéré comme un média d’information.
Sauf à ce que les médias dominants ne participent, à leur corps défendant le plus souvent, à donner quelque audience aux obsessions de ces franges les plus radicales et « décomplexées » de l’extrême droite… (...)