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Remplacer charbon et nucléaire par le solaire et le vent est désormais rentable
Article mis en ligne le 18 juin 2020
dernière modification le 17 juin 2020

Dans le secteur de l’énergie, deux mondes s’affrontent : l’ancien, celui des combustibles fossiles et carbonés ; et le nouveau, celui de technologies récoltant les innombrables et inépuisables ondulations de la nature et économisant l’énergie. C’est ce que racontera régulièrement la chronique d’Yves Heuillard, ingénieur et journaliste.

La baisse du coût de production de l’électricité renouvelable est phénoménale, rapide, difficile à appréhender dans un secteur industriel à forte inertie où les investissements se sont longtemps faits dans d’énormes centrales électriques, pour des durées d’un demi-siècle. Entre 2010 et 2019, selon l’Irena (Agence internationale de l’énergie renouvelable) [1], le coût de production de l’ électricité photovoltaïque à grande échelle a baissé de 82 %. Et ce n’est pas fini : en une seule année, entre 2018 et 2019, la baisse a été de 13 %.

Une baisse si prononcée s’explique par le caractère purement électronique de la technologie. Point de puits à creuser, point de mineurs, d’excavateurs géants, de millions de tonnes de pondéreux à transporter, peu de manœuvres géopolitiques pour s’approprier les ressources, malgré l’incertitude sur quelques métaux rares : la variable économique de l’électricité n’est plus un combustible, mais une technologie qui s’élabore et progresse dans les laboratoires et se met en œuvre avec toujours plus d’économies d’échelle, son carburant relevant de la seule ingéniosité humaine.

Pour l’éolien la baisse est moindre, mais elle reste phénoménale, de l’ordre de 40 % sur les dix dernières années, 9 % entre 2018 et 2019.

Aujourd’hui, à peu près les deux tiers de l’électricité du monde sont encore produites à partir des combustibles fossiles, et près de 40 % à partir du charbon [2], de loin la source la plus polluante. (...)

Pour les projets mis en service en 2019, l’Irena a calculé un coût moyen de production de l’électricité solaire de 6,8 centimes de dollar le kWh (kilowatt-heure), de 5,3 centimes le kWh pour l’éolien terrestre (mais encore plus du double pour l’éolien en mer), et de 4,7 centimes pour l’hydraulique. Dans 56 % des cas étudiés, l’option renouvelable est plus avantageuse que ne l’aurait été la moins chère des options à base de combustibles fossiles. Pour l’éolien seul, les trois quarts des nouvelles installations sont plus compétitives que ne l’aurait été l’option au charbon la moins chère (...)

Certes, on peut s’interroger sur l’énorme ajout de puissance éolienne et photovoltaïque nécessaire. Mais en réalité, ceci ne représente qu’un cinquième de ce qu’il faudra de toute façon installer d’ici 2030 pour respecter l’Accord de Paris sur le climat.

En France, il est naturel de vouloir comparer avec le nucléaire, ce que ne fait pas le rapport de l’Irena. Outre l’EPR de Flamanville, EDF construit aussi deux EPR au Royaume-Uni pour un investissement de 22 milliards d’euros — 11 milliards le réacteur. EDF a négocié avec le gouvernement britannique un prix minimum garanti pendant 35 ans ajusté de l’inflation. Ce prix donne une bonne indication du coût de l’électricité nucléaire. Le calcul [3] donne un coût de 13,9 cts de dollar le kWh, 3 à 4 fois plus élevé que celui des renouvelables. Un chiffre astronomique mais parfaitement cohérent avec celui de la dernière étude annuelle de la banque Lazard sur les coûts de la production électrique des différentes technologies (...)

Enfin même si le rapport tient compte du coût de l’intégration des sources renouvelables dans le réseau, la difficulté du remplacement de centrales thermiques par des sources d’électricité intermittentes n’est pas détaillée. Peut-être faut-il rappeler ici que l’intermittence est gérable, et que nos voisins y voient davantage une occasion industrielle et un marché mondial qu’une difficulté (...)

Reste que si la proposition de l’Irena est assez théorique, la précision des chiffres et leur évolution montre qu’à l’échelle planétaire, accélérer le remplacement de l’électricité au charbon [6] par l’électricité renouvelable est une aubaine économique sans risque, deux fois rentable, en dollars et en CO2. Et en filigrane, dans le contexte post Covid-19, nous comprenons qu’une telle accélération soutiendrait l’économie avec une efficacité bien plus prévisible que dans d’autres secteurs.