
(...) Après avoir rappelé les épisodes précédents et le jugement du tribunal administratif de Montreuil, le ministère demande, dans son recours en appel, l’annulation du jugement du tribunal qui souffrirait d’une « insuffisance de motivation » et, par conséquent, d’ « une erreur de droit ».
Pour étayer ces critiques, le mémoire commence par une citation du code général des impôts, et notamment des passages suivants de l’article 200 :
« 1. Ouvrent droit à une réduction d’impôt sur le revenu (...) les sommes prises dans la limite de 20 % du revenu imposable qui correspondent à des dons et versements (...) au profit : (...) b) D’œuvres ou d’organismes d’intérêt général ayant un caractère philanthropique, éducatif, scientifique, social, humanitaire, sportif, familial, culturel (...) »
Puis, le mémoire apporte les précisions suivantes (qui ne figurent pas dans le code des impôts) : « Pour application de ces dispositions, un organisme est présumé d’intérêt général lorsqu’il n’exerce pas d’activité lucrative, fait l’objet d’une gestion désintéressée et ne fonctionne pas au profit d’un cercle restreint de personnes. » À l’évidence, Acrimed remplit toutes ces conditions. Et le mémoire de d’ajouter : « Le bénéfice des dons et du mécénat suppose, en outre, que l’activité puisse être regardée comme ayant un caractère culturel. »
Le ministère soutiendra donc que n’étant pas « culturelle », l’activité d’Acrimed n’est pas d’intérêt général et que n’étant pas « d’intérêt général », elle n’est pas culturelle.
L’activité d’Acrimed ne serait pas culturelle (...)
une juxtaposition d’affirmations disparates et non « sourcées » (qu’il serait vain de mentionner quand on pourrait en sélectionner tant d’autres) mêle indistinctement, les objets et les activités de l’association d’une part, et, d’autre part, les particularités de son orientation.... sur lesquelles il n’appartient pas à l’administration fiscale de se prononcer.
Cette présentation confuse, sélective et partisane de l’activité d’Acrimed est d’autant plus dérisoire et arbitraire qu’elle prétend suppléer à une prétendue carence du jugement administratif dont la décision souffrirait de l’ « insuffisance de motivation » (...)
Le mémoire du ministère concède, malgré tout, que « les articles de presse ou les conférences-débats peuvent être qualifiées d’œuvres de l’esprit ». Cette présentation appauvrie de ce qui constitue l’activité prépondérante d’Acrimed devrait suffire à qualifier cette activité de « culturelle ». Pas du tout, soutient le mémoire, puisque « la notion de “caractère culturel”, au sens de la loi fiscale, ne peut être étendue aux activités consistant à critiquer le monde des médias et du journalisme ». C’est une interprétation restrictive et arbitraire de la loi. (...)
Puis le mémoire enchaîne : « Une telle action, indépendante, radicale, politique et militante (…) s’oppose, par essence, au concept d’intérêt général ». (...)
De surcroît, dans les réponses du ministère aux questions respectives d’un député et d’une sénatrice, contestant le caractère d’intérêt général d’une association comme « Civitas » [4], il n’est nullement fait mention cette définition restrictive de l’intérêt général par le « principe de neutralité ». Et pour cause, tant il est évident que « Civitas » (par exemple et comme d’autres) est neutre !
3. Pis : l’administration fiscale, au nom de ce « principe de neutralité », entend dicter ce doit être la critique publique des médias : « Or, si la critique publique des médias peut constituer un objectif légitime, dans le cadre de la vie démocratique et de la liberté d’expression, cette critique doit , toutefois, être envisagée dans toute ses dimensions, ce qui exclut tout caractère partisan. »
Qui nous dira ce qu’est une critique « envisagée dans toutes ses dimensions » ? Qui nous dira ce que signifie « partisan », dans un tel contexte ? (...)
Jusqu’aux dernières lignes, l’administration fiscale révèle le parti-pris politique de sa demande d’annulation de la juste décision du tribunal administratif de Montreuil. Excès de pouvoir ou abus de pouvoir ?