
Dans l’Ouest de la Côte d’Ivoire, des dizaines de milliers de réfugiés ivoiriens sont rentrés au pays ces dernières années après avoir fui les violences post-électorales de 2010. Leur réintégration est un modèle pour le reste du pays qui a mis en place de nombreux programmes pour inciter les réfugiés, ainsi que la diaspora et les migrants économiques, à rentrer dans leur pays.
Si la région de Cavally fait aujourd’hui figure de modèle de réintégration des anciens exilés, c’est qu’un long chemin a été parcouru avec en première ligne, la chefferie traditionnelle des villages exsangues et hantés par le souvenirs de massacres sanglants. Biento Gnoabo, chef central du village de Zeaglo, raconte qu’il était présent lorsque les tous premiers rapatriés ont commencé à rentrer. "Au début nous étions seuls pour les accueillir, il n’y avait plus d’ONG pour nous soutenir, elles avaient fui pendant les violences. Dans un premier temps nous avons fait en sorte que chacun soit hébergé dans la communauté et nous avons créé des groupes de parole pour essayer de soulager la douleur des rapatriés." (...)
Tout s’est accéléré lorsque les ONG ont réinvesti le terrain. Entre 2011 et 2019, plus de 12 millions d’euros ont été injectés "par le HCR, grâce à l’assistance des pays donateurs" afin de "faciliter la réintégration des personnes rapatriées", selon Angèle Djohossou. Des abris ont été construits, des points d’eau réhabilités, des écoles rénovées. Les convois de rapatriés se sont également multipliés. "Plus de 6 000 personnes sont rentrées au village et dans les alentours", affirme Biento Gnoabo qui met un point d’honneur à organiser à l’arrivée de chaque convoi un comité d’accueil pour les derniers rapatriés en date. La tradition a, selon lui, un véritable rôle à jouer. "Nous essayons de réparer le tissu culturel et social qui s’est déchiré avec le départ de tant de nos habitants. En organisant des activités culturelles, on veut amener les gens à repenser la tradition et à partager les valeurs essentielles de solidarité, de probité et de partage. Il peut s’agir de chants, de danses, des fêtes avec des plats traditionnels, nous avons de vrais cordons bleus !"
Malgré l’accueil et le soutien, d’aucuns peinent à raccrocher les wagons comme Thomas, un père de famille de deux enfants, qui n’a pas réussi à reprendre son activité d’enseignant. "Imaginez-vous rentrer chez vous et ne plus rien retrouver. De l’herbe avait poussé à l’emplacement de mon salon, des voisins avaient été ensevelis dans les décombres de leur maison. Il a fallu tout reprendre à zéro, squatter chez des gens le temps de retrouver un abri. Il m’a fallu un an pour me sentir de nouveau chez moi", confie-t-il. (...)
Ce qui pousse ces familles à continuer et à se dépasser, c’est l’école de Zeaglo, "la plus grande fierté" de Biento Gnoabo. "Voir que cette école se remplit de nouveau un peu plus chaque année nous donne beaucoup de joie. C’est l’avenir de notre village qui se joue dans cet établissement", poursuit le chef qui est convaincu que la bonne réinsertion des rapatriés passe également par l’éducation. C’est aussi l’avis du directeur, Hervé Gnoko : "L’école a un rôle central pour la réintégration de l’élève mais aussi de sa famille au sein de la communauté. Pendant que les enfants vont à l’école, les parents ne s’inquiètent plus autant pour l’avenir et peuvent se concentrer sur la reconstruction de leur vie."
Sur les 375 élèves que compte l’établissement, plus de 300 sont des rapatriés. (...)