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Robert Ménard, Marine Le Pen et Jean-Pierre Chevènement en majesté sur BFMTV
Samuel Gontier
Article mis en ligne le 9 octobre 2019

Après avoir célébré Alain Finkielkraut dimanche soir, BFMTV enchaîne ce lundi en consacrant ses rendez-vous phares aux combattants de “l’islam conquérant”. Une ligne éditoriale des plus cohérentes.

« Robert Ménard, bonjour. » Après Alain Finkielkraut invité d’honneur dimanche soir sur BFMTV, voici le maire de Béziers invité le lendemain matin dans le rendez-vous phare de Jean-Jacques Bourdin. Plus exactement le « maire de Béziers, maire sans étiquette », tient à préciser l’intervieweur, rieur. « Exactement », se rengorge l’intéressé. Le bandeau détaille : « Robert Ménard, maire SE de Béziers et fondateur de Reporters sans frontières » Ainsi qu’expert incontesté en ce jour de débat sur l’immigration à l’Assemblée nationale. (...)

« Sur le regroupement familial, quand vous êtes un mineur isolé, en plus de vos parents, vous pouvez maintenant faire venir vos frères et vos sœurs. » « Hum », approuve Jean-jacques Bourdin alors que son invité dénonce « une pompe aspirante d’immigration ». Et BFMTV, c’est une pompe aspirante de xénophobie ?

Robert Ménard désespère : « On m’oblige à mettre des classes le soir pas pour apprendre le français mais les langues d’origine… » « Hum », approuve Jean-Jacques Bourdin tandis que son interlocuteur vante son propre « bon sens ». « Alors, le bon sens, votre bon sens vous conduit à quelles mesures ? Quelles mesures faut-il prendre pour limiter… pas le droit d’asile mais… 122 000 demandes d’asile en 2018, plus 22 % en un an. » Cela paraît énorme à Jean-Jacques Bourdin, très perméable au discours de l’extrême-droite et du gouvernement. Mais cela place la France au 11e rang des demandes d’asile par habitant en Europe, et même au 15e si l’on prend en compte la richesse et la superficie du pays. « Combien de refus ? » « A peu près trois quarts. » L’intervieweur devance les désirs de son invité : « Et combien de reconduites ?, vous allez me dire. » Surtout, ne dites pas « expulsions ». (...)

« Le droit d’asile, vante Robert Ménard, c’est l’honneur de ce pays. » Non, c’est le respect du droit international. Jean-Jacques Bourdin se rebiffe enfin : « Je ne comprends pas pourquoi vous voulez baisser l’aide aux demandeurs d’asile, c’est 6,80 euros par jour pour une personne seule… C’est trop ? » « Parce que les trois quarts ne sont pas des demandeurs d’asile. Un Albanais, dont le cas va demander des mois et des années pour être étudié, va toucher pendant ce temps-là des aides alors qu’il n’est pas demandeur d’asile. » Si, il l’est. Sauf pour Robert Ménard et Jean-Jacques Bourdin, qui explique : « Les gens qui viennent pour des raisons économiques viennent parce qu’ils n’ont pas de boulot chez eux… » Il précise : « Ils viennent chercher du travail ici… et ils en trouvent. » « Oui, répond Robert Ménard, ils en trouvent au noir. » Forcément, puisque la loi ne les autorise pas à travailler — ce que Jean-Jacques Bourdin semble ignorer puisqu’il ne relève pas. (...)

« Mais vous savez que l’immigration, c’est aussi un problème de société. » Car, pour Jean-Jacques Bourdin, décidement très perméable à l’air du temps, l’immigration est un « problème ». « C’est un problème d’intégration. Vous feriez quoi ? » « Que faut-il faire ? » « Réduire massivement l’immigration », répond Robert Ménard. (...)

« L’acte 2, c’est l’occasion de parler d’enjeux jusqu’ici plutôt abordés par le Front national. » Pour lui faire la courte échelle. « Si Emmanuel Macron veut vraiment traiter les problèmes d’immigration, recommande Jean-Sébastien Ferjou, il faut remettre en cause un certain nombre de conventions auxquelles adhère la France. Pour supprimer le regroupement familial » Dénoncer la Convention internationale des droits de l’enfant, bafouer la Déclaration universelle des droits de l’homme, en voilà des mesures progressistes. D’ailleurs, même le très centriste Jean-Christophe Lagarde suggère de réécrire le préambule de notre Constitution, rapporte la chaîne LCP. (...)

Le présentateur demande : « Est-ce que la grande gagnante de ce débat, ce n’est pas Marine Le Pen ? » Ses experts n’ont guère le temps de répondre, « priorité au direct », affiche l’écran : « Justement, on écoute Marine Le Pen, elle s’exprime à la tribune de l’Assemblée. » Elle y dénonce « le scandale absolu de l’immigration. Une submersion, j’ose le terme, car il décrit la réalité du flux ininterrompu qui déferle. La question de l’immigration est restée longtemps taboue… » Ça ne fait que trente ans qu’elle mobilise les politiques de tous bords. (...)

« Bonsoir Jean-Pierre Chevènement », salue Ruth Elkrief sitôt le discours de la présidente du RN achevé et alors qu’apparaît le bandeau « Alerte info : “Notre pays vit une véritable submersion”, affirme M. Le Pen. » « On vient d’entendre Marine Le Pen. Est-ce que ce débat sur l’immigration est légitime, est-ce qu’il est un cadeau fait à Marine Le Pen ? » « Ce que dit madame Le Pen des tensions entre communautés est malheureusement une réalité. Mais on ne l’entend pas. » Seulement sur BFMTV à longueur de journée. « On n’entend pas non plus monsieur Mélenchon quand il dit que la France sans ses travailleurs immigrés ne tournerait plus. » Ça, c’est le côté gauchiste de Chevènement. (...)

« Certaines communes dont devenues de véritables enclaves ou la loi républicaine ne s’applique plus. » Je parierais que Jean-Pierre Chevènement ne parle pas de Neuilly-sur-Seine et de ses évadés fiscaux. « Ça, ça peut être le fait de Français convertis à l’islam, précise Ruth Elkrief. Ce n’est pas tout à fait l’immigration. » L’islam, voilà l’ennemi.

« On va venir aux problèmes de communautarisme et de radicalisation. » Donc à l’islam. « Edouard Philippe a dit que l’Ofpra était débordé, qu’il n’avait pas peur de la politique des quotas… » « Pour le moment, le débat est sans vote, regrette Chevènement. Il n’y a pas de mesure qui soit proposée. » C’est désolant. Aucune mesure proposée pour torpiller les radeaux d’exilés qui sillonnent la Méditerranée. « Les demandes d’asile ont doublé en l’espace de cinq ans, les demandes de visas ont doublé en l’espace de dix ans. Par ces deux canaux, c’est l’immigration clandestine qui est alimentée. » Tiens, c’est aussi ce que disait Robert Ménard. Pur hasard.
(...)

« Je suis d’accord pour maintenir l’aide médicale d’État aux demandeurs d’asile mais pas à ceux qui sont déboutés. » Qu’ils crèvent sans soins en propageant leurs pathologies aux souchiens. (...)

« Comment on fait pour discerner les signes de radicalisation ?, questionne Ruth Elkrief. Je vous propose d’écouter Valérie Pécresse, elle propose de licencier ceux qui présenteraient des signes de radicalisation. » L’extrait est soigneusement coupé pour éviter qu’y figure son désir d’interdire tout recours judiciaire — et de bafouer l’Etat de droit. (...)

Par bonheur, pour me distraire de ses élucubrations racistes et xénophobes, BFMTV consacre sa soirée de mardi au septième art. Obtenue grâce à l’amitié du patron de la chaîne, Marc-Olivier Fogiel, une heure d’interview sans contradiction de Luc Besson par Apolline de Malherbe. Pour découvrir le « mal-être » de l’artiste, la « souffrance » endurée pendant sont enfance par le réalisateur-producteur accusé de viol et de harcèlement sexuel. J’avoue, j’ai pleuré. De rage.