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Rue 89
Rony Brauman : « De quel droit demander à Kadhafi de partir ? »
Article mis en ligne le 19 avril 2011
dernière modification le 16 avril 2011

Dans un appel commun vendredi, Barack Obama, David Cameron et Nicolas Sarkozy affirment que l’avenir de la Libye ne peut être envisagé avec Kadhafi. Cette prise de position révolte Rony Brauman, l’ancien président de Médecins sans frontières, pourfendeur de l’ingérence dite humanitaire, qui se demande « de quel droit » les dirigeants des trois puissances occidentales peuvent appeler au renversement d’un régime.

Professeur à Sciences-Po Paris et à l’université de Manchester, Rony Brauman critique vertement l’action de l’Otan pourtant autorisée par le conseil de sécurité de l’ONU :

« Le conseil de sécurité étant la source de la loi internationale, cette guerre est légale. Je ne la trouve pas légitime pour autant, je ne la trouve pas utile pour autant et je ne la trouve pas gagnable pour autant. »(...)
(...)

Mais fallait-il pour autant laisser massacrer la population de Benghazi comme le lui promettaient Mouammar Kadhafi et son fils Saïf al-Islam en cas de reprise de la capitale insurgée ? Rony Brauman s’explique :

« J’aurais très bien compris que l’on exerce une pression autour de Benghazi par une pression militaire, par des survols, par une attitude extrêmement active et déterminée dès lors qu’il s’agissait de prévenir un massacre à Benghazi. L’argument selon lequel cette tuerie était imminent est recevable.

On parle aujourd’hui de “dizaines de milliers de morts évités”, ce qui me semble relever du registre de la propagande, mais la menace du massacres proférés par Kadhafi était à prendre au sérieux, et je comprends très bien que dans le contexte des révoltes arabes, dans le périmètre géographique où cela se situait, il y avait quelque chose à faire.(...)

Je ne suis d’accord ni sur la méthode, ni sur les objectifs. Je pense que l’époque où il était envisageable d’aller révoquer des dirigeants pour les remplacer par d’autres, de choisir les régimes qui convenaient aux puissants est révolue.

Elle n’est pas seulement révolue sur le plan moral, sur le plan politique, elle est aussi révolue sur le plan pratique. Car le niveau de violence qu’il faut utiliser pour imposer sa volonté est désormais interdit. »(...)

Rony Brauman reconnaît que sa position est fragile, car, dans le contexte des révolutions arabes et du capital de sympathie que le soulèvement des populations contre les dictatures, la voie était étroite.(...)

« L’intervention d’Afghanistan, il y a dix ans, avait un but irrécusable et accepté par tous, qui était de détruire les bases à partir desquelles l’attaque du 11-Septembre avait été lancée. Ça, personne ne le contestait.

Ensuite, il s’est agi de détruire le régime, et ensuite de construire une nation, puis de construire la paix, de protéger la population contre les talibans… Et ça donne la guerre la plus longue dans laquelle sont engagés les Etats-Unis.

Nous menons là-bas une “guerre des droits de l’homme” qui se solde par des milliers et des milliers de morts, et des bavures, une haine croissante contre les forces d’occupation étrangères, 200 000 hommes au sol, des milliards de dollars dépensés en pure perte, un régime accusé de corruption, redevenu le premier producteur de drogue au monde.
(...)
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