
Le gouvernement conservateur britannique a été contraint de faire machine arrière en rétablissant les notes initiales des élèves. Mais le mal est fait : certains jeunes des couches populaires risquent d’être privés d’accès à l’université.
Après l’Écosse (lire notre édition du 10 août), la colère des élèves, privés des notes accordées par leurs professeurs, faute d’examens – impossibles à organiser pendant le confinement –, a déferlé sur le reste du Royaume-Uni. En Irlande du Nord, au pays de Galles et en Angleterre – l’éducation est un domaine politique dévolu à chacune des quatre nations du Royaume-Uni –, un mouvement de jeunes a, en quelques jours, contraint les gouvernements à faire machine arrière en renonçant aux rabais sur les notes initiales, décidés unilatéralement par le département spécialisé de l’administration de l’éducation, l’Office of Qualifications and Examinations Regulation (Ofqual). Tout le système était piloté par un algorithme basé sur les performances collectives de chaque établissement dans les années précédentes, une manière de pénaliser les jeunes des couches populaires ou, comme l’ont synthétisé les lycées écossais avant leurs cousins anglais, de faire prévaloir le « code postal » sur les compétences. D’après la presse britannique, la dégradation moyenne a pu aller jusqu’à 40 %, transformant de bons résultats comme « A » ou « B » en plus médiocres comme « C » ou « D », de quoi priver les élèves mal notés d’accès aux grandes écoles ou à l’université.
Dans toute l’Angleterre, des centaines de lycéens sont descendus dans les rues, en fin de semaine dernière. Dimanche, à Londres, la foule a repris un slogan assez remarquable : « Merde à l’algorithme ! » (« Fuck the algorithm »). Les mêmes scènes se sont déroulées à Cardiff, à Belfast et dans tout le Royaume-Uni. (...)
Malgré la reculade du gouvernement rien n’est réglé
Alors que, il y a quelques jours, le premier ministre conservateur britannique, Boris Johnson, défendait des « résultats justes, robustes et fiables pour les employeurs », son ministre de l’Éducation, Gavin Williamson, a, après avoir été contraint de revenir en arrière, cherché à coller la responsabilité du fiasco au seul et unique Ofqual. « Il a été éprouvant pour les étudiants de recevoir la semaine passée des résultats d’examens qu’ils n’ont jamais passés, concède un des patrons de l’administration. Après réflexion, nous avons décidé d’accorder l’évaluation sur la base de ce que les enseignants avaient soumis au préalable. » Pour Jeremy Corbyn, ex-dirigeant du Labour, « cette reculade du gouvernement ne serait pas arrivée sans la protestation des bacheliers et de tant de jeunes gens, ni le travail des syndicats d’enseignants ».
Mais rien n’est réglé, en vérité. Dans plusieurs cas, les universités ont déjà bouclé les inscriptions sur la base des notes révisées par l’algorithme. (...)
les établissements d’enseignement secondaire qui redoutent un afflux sans précédent à la rentrée rechignent à les accepter préférant préparer leur défense légale avec des avocats en cas de recours de ces jeunes.