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Salaires des profs : le grand n’importe quoi médiatique
vendredi 13 septembre 2019 (mais pas périmé !)
Article mis en ligne le 22 décembre 2019
dernière modification le 21 décembre 2019

Acrimed : En septembre, nous épinglions les élucubrations de « l’expert » de LCI sur le salaire des profs. C’est bien peu de choses, mais le CSA vient de rappeler à l’ordre la chaîne et lui demande de « veiller à l’honnêteté des informations qu’elle diffuse ». https://t.co/Mifsbb0jPf

Le 10 septembre 2019, l’OCDE publiait l’édition 2019 de son rapport « Regards sur l’éducation » qui se veut « la publication de référence sur l’état de l’éducation dans le monde ». Une publication qui n’est pas passée inaperçue. Certains commentateurs, Les Échos en tête, n’ont pas manqué de s’en emparer pour claironner que la moyenne des salaires des enseignants serait plus élevée en France qu’ailleurs. D’autres médias annonçaient pourtant, sur la base du même rapport, que les profs étaient sous-payés par rapport à la moyenne de l’OCDE. Qui croire ? Retour sur un cas exemplaire de bidonnage médiatique.

Ces chiffres lunaires ont fait s’étrangler de nombreux spectateurs, à commencer par les enseignants concernés. En témoignent les réactions sous le tweet de LCI où certains commentaires, statistiques ou fiches de paie à l’appui, font état de salaires bien moindres (...)

Alors, d’où sort le chiffre de François-Xavier Pietri ? Une rapide recherche suffit pour comprendre la grossière bourde à l’origine de ces chiffres. La moyenne de salaire annoncée sur LCI constitue une simple division par 12 de la moyenne annuelle indiquée par ailleurs dans un article des Echos. Problème : ce chiffre est faux, et témoigne d’une méconnaissance des principes élémentaires des comparaisons internationales.

Le quotidien d’information économique s’est en effet contenté de prendre le montant annuel de salaire indiqué dans le rapport de l’OCDE en dollars et en parité de pouvoir d’achat (PPA), puis de le convertir en euros. Or ce calcul ne prend pas en compte le coefficient de parité de pouvoir d’achat (qui vise à établir une comparaison entre les pays malgré la différence du niveau des prix). Résultat : le montant de salaire annuel donné par les Echos est surestimé de 18%. Par ailleurs, à aucun moment il n’est mentionné qu’il s’agit du salaire brut, également supérieur de 26% environ au salaire net [1].

Ainsi à une erreur grossière s’ajoute une imprécision de taille. Paresse, incompétence ou mauvaise foi ? Quoi qu’il en soit, le chiffre annoncé par LCI est 48% supérieur au salaire net. (...)

Les commentateurs auraient par ailleurs pu se saisir, dans la publication de l’OCDE, d’autres statistiques rendant compte de la faiblesse relative du salaire des enseignants, comme le rapport entre le salaire effectif moyen des enseignants et les revenus moyens d’autres salariés français présentant un niveau de formation similaire : il varie de 78% pour les enseignants du primaire à 85% pour les enseignants de collège et 95% pour ceux du lycée. Les enseignants sont donc, à formation comparable, moins bien payés en France selon l’OCDE. Autre aspect, souligné par la dépêche AFP : entre 2000 et 2018 le salaire des enseignants qualifiés a augmenté dans la moitié des pays de l’OCDE... mais pas en France où les salaires ont diminué de 6%.

Mais de ces données, bizarrement, ni François-Xavier Pietri, ni Dominique Seux ne font mention… Comme l’avait déjà montré l’épisode de la grève du bac (dont les copies et les notes auraient été « retenues en otage »), les enseignants et leurs mobilisations constituent, pour certains éditocrates, des cibles de premier choix.