
Le Mois des voyages est l’occasion de revenir sur une activité proposée depuis les années 1970 : l’observation d’animaux marins sauvages. Jean-Pierre Sidois, président de l’association SOS Grand Bleu, donne à Futura-Sciences son avis de professionnel des cétacés sur des pratiques parfois critiquées mais qui peuvent se développer, à condition d’être bien encadrées.
(...) Tous les jours, en Patagonie, au Canada ou au Mexique, des bateaux amènent des cargaisons de touristes sur les lieux où vivent et se reproduisent les grands mammifères marins. Dans les Bahamas ou à la Réunion, d’autres voyageurs se réunissent pour un instant de frisson autour d’un plongeur qui va nourrir des requins. Parmi les activités permettant la rencontre avec les animaux marins le whale-watching, littéralement « observation des baleines », et le shark-feeding, ou « nourrissage des requins », sont les pratiques les plus en vogue.
L’expérience est vendue comme unique et surtout respectueuse de l’environnement : par leurs revenus, ces activités sont censées œuvrer pour la protection et l’étude du milieu observé. Il est vrai que le spectacle de ces grands animaux sauvages sensibilise naturellement le public à leur cause. Mais cette activité estampillée « écologique » est-elle pour autant si respectueuse que cela de l’environnement ? Comment les animaux vivent-ils cet afflux de visiteurs sur leur territoire ? N’y a-t-il pas des dérives mercantiles parmi les organisateurs de ces activités ? (...)
Des bateaux trop nombreux simultanément qui encerclent et s’approchent trop près, au risque de percuter des baleines à peine réveillées de leur phase de repos, génèrent un stress très important, surtout pour les jeunes cétacés. Ce dérangement, s’il est répété, peut conduire les groupes à changer de lieu de résidence et diminue leur taux de fécondité. Des modifications de comportement ont été observées et l’exemple tragique de la plage de Monkey Mia, dans Shark Bay, en Australie, a servi de leçon : des dauphins sauvages nourris régulièrement pour des attractions touristiques sont morts, faute d’avoir su chasser seuls. Le nourrissage, après cet exemple tragique, a presque partout été interdit, sinon très encadré.
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Dauphins, baleines, requins... les questions posées par l’observation des animaux marins en conditions naturelles sont, plus largement, celles rencontrées lorsqu’il s’agit d’organiser le développement de l’écotourisme. Après des années de développement anarchique, des cadres réglementaires apparaissent qui permettent d’envisager un avenir où les acteurs du domaine auront intégré les leçons des erreurs passées. Développer un secteur économique vivant sans stresser ou perturber les animaux observés semble possible. Mais Jean-Pierre Sidois conclut tout de même avec un conseil : « Pour être certain de ne pas être une nuisance, c’est très simple, il faut aller avec les associations ». Avis aux voyageurs !(...) Wikio