Bandeau
mcInform@ctions
Travail de fourmi, effet papillon...
Descriptif du site
Slate.fr
« Sodoma », de quoi ébranler la foi
Sodoma, enquête au cœur du Vatican, de Frédéric Martel, aux éditions Robert Laffont (632 pages, 23 euros).
Article mis en ligne le 22 février 2019

L’ouvrage de Frédéric Martel souligne les incohérences entre le discours de l’Église catholique sur l’homosexualité et la pratique de certains de ses dirigeants, notamment au Vatican.

Le 21 février, jour de l’ouverture au Vatican d’un sommet sur la pédophilie dans l’Église, notre collaborateur Frédéric Martel publie dans une trentaine de pays un livre sur le poids des homosexuels dans le gouvernement de l’Église.

Je suis bouleversé en refermant l’épais livre de Frédéric Martel, chercheur, producteur à France Culture, collaborateur de Slate.fr, dont je me flatte d’être le collègue et l’ami. Son livre révèle au monde l’omniprésence des homosexuels dans les plus hautes sphères de l’Église, chez les proches collaborateurs du pape au Vatican et à la tête des conférences nationales d’évêques. Rarement ai-je ressenti un tel malaise à la fin d’une lecture

Le livre de Martel, intitulé Sodoma, bouscule la connaissance que je pouvais avoir de l’Église catholique par mon activité de journaliste spécialiste des religions et mes convictions personnelles de foi. Personne ne peut ignorer que l’homosexualité tient une place importante dans l’histoire deux fois millénaire de l’Église, mais aussi à l’époque moderne. Mais jamais je n’avais mesuré l’ampleur du phénomène, le niveau de responsabilité des acteurs gays du Vatican, la place de l’homosexualité dans le fonctionnement de l’institution, moins en tant que « lobby » organisé que réseau d’influence, système de références et poids dans les décisions.

Ce décalage abyssal entre le discours moral catholique sur le sexe, l’homosexualité et la pratique de certains de ses plus éminents représentants voire leur double vie vont choquer la très grande majorité des prêtres et religieux qui vivent conformément au vœu de chasteté et se consacrent à Dieu dans l’ascèse.

On se demande comment un tel dédoublement est possible de la part d’un prêtre qui le matin célèbre son Dieu à l’autel, prêche et confesse ses fidèles, et le soir se rend à des soirées mondaines entre hommes ou des saunas gays. Sans doute ces religieux sont-ils en matière de sexualité des adultes majeurs et consentants, mais il est effrayant de constater à quel point l’Église est devenue ce chef-d’œuvre d’hypocrisie.

Je suis profondément touché dans ma foi de catholique à laquelle je n’ai jamais renoncé, tant il est vrai que l’on me demande de croire d’abord au Christ et à l’Évangile plutôt qu’à son Église, institution humaine, trop humaine.

Dans les rouages de l’institution
Frédéric Martel a mené une enquête de plus de quatre ans dans tous les lieux de pouvoir catholiques. Il est lui-même homosexuel, ce qui lui a ouvert bien des portes, dit-il, au Vatican et dans la trentaine de pays où il a travaillé. Quatre ans de travail, de voyages, d’investigations minutieuses, une quantité incroyable d’interviews, de documents, d’archives consultées. (...)

Le livre de Martel, intitulé Sodoma, bouscule la connaissance que je pouvais avoir de l’Église catholique par mon activité de journaliste spécialiste des religions et mes convictions personnelles de foi. Personne ne peut ignorer que l’homosexualité tient une place importante dans l’histoire deux fois millénaire de l’Église, mais aussi à l’époque moderne. Mais jamais je n’avais mesuré l’ampleur du phénomène, le niveau de responsabilité des acteurs gays du Vatican, la place de l’homosexualité dans le fonctionnement de l’institution, moins en tant que « lobby » organisé que réseau d’influence, système de références et poids dans les décisions.

Ce décalage abyssal entre le discours moral catholique sur le sexe, l’homosexualité et la pratique de certains de ses plus éminents représentants voire leur double vie vont choquer la très grande majorité des prêtres et religieux qui vivent conformément au vœu de chasteté et se consacrent à Dieu dans l’ascèse.

On se demande comment un tel dédoublement est possible de la part d’un prêtre qui le matin célèbre son Dieu à l’autel, prêche et confesse ses fidèles, et le soir se rend à des soirées mondaines entre hommes ou des saunas gays. Sans doute ces religieux sont-ils en matière de sexualité des adultes majeurs et consentants, mais il est effrayant de constater à quel point l’Église est devenue ce chef-d’œuvre d’hypocrisie.

Je suis profondément touché dans ma foi de catholique à laquelle je n’ai jamais renoncé, tant il est vrai que l’on me demande de croire d’abord au Christ et à l’Évangile plutôt qu’à son Église, institution humaine, trop humaine.

Dans les rouages de l’institution
Frédéric Martel a mené une enquête de plus de quatre ans dans tous les lieux de pouvoir catholiques. Il est lui-même homosexuel, ce qui lui a ouvert bien des portes, dit-il, au Vatican et dans la trentaine de pays où il a travaillé. Quatre ans de travail, de voyages, d’investigations minutieuses, une quantité incroyable d’interviews, de documents, d’archives consultées. (...)

Martel démontre ici la perversité d’un autre système de pouvoir, d’une machinerie d’Église complexe, génératrice d’une morale aussi ancienne qu’écrasante. Son livre est une quête haletante et absurde à travers les rouages d’une institution ubuesque, corrompue jusqu’à la moelle, schizophrène à un niveau inimaginable, à la fois homosexuelle et homophobe, dont l’auteur nomme les tireurs de ficelles et désigne les principaux criminels. (...)

Certaines personnes prendront ce livre pour un acte de transparence et de courage –c’est mon cas–, d’autres pour une œuvre de malfaisance visant une institution déjà affaiblie, vulnérable, décrite comme viciée.

Sa force repose d’abord sur une infinie galerie de portraits, touchants ou glaçants. (...)

Appel au débat
Peut-on le croire jusqu’au bout, dans ses excès, ses caricatures, ses insinuations, ses accusations sans preuves ? Son livre est aussi fait de rumeurs colportées par des prêtres défroqués, des militants gays, des évêques placardisés, des journalistes qui n’en finissent pas de régler leurs comptes avec l’institution. Comment croire jusqu’au bout à l’« anneau de luxure » qu’il dépeint autour de Jean-Paul II, à la romance entre Benoît XVI et son bel assistant allemand Georg Gänswein ? (...)

Ce livre abonde en généralisations, en chiffres parfois exagérés, en assertions définitives tendant à faire croire que la grande majorité des monsignori de la Curie ou plus de la moitié des cent-cinquante cardinaux sont des homosexuels pratiquants. On ne peut sérieusement réduire l’histoire des deux pontificats de Jean-Paul II et de Benoît XVI, l’origine de leurs décisions, leurs documents, leurs nominations à la préférence homosexuelle, à des affaires d’attirance entre hommes, à des combats homophobes.

Il reste toutefois trois points qui, à la lecture de ce livre, bouleversent l’approche naïve de cette question dans les milieux catholiques et mériteraient d’être plus amplement débattus. (...)

Le pape François est quasiment le seul a échapper au discrédit qui vise l’Église et domine ce livre. Il est parfaitement au courant de ce qui se passe dans son entourage de la Curie et du collège des cardinaux. Il a pris la mesure du phénomène, dénonce régulièrement l’hypocrisie de certains de ses cardinaux, qu’il accuse publiquement de mener une « double vie ». Ses propos sont transparents et courageux, mais quelle est sa capacité réelle de rétablir la cohérence entre le discours de l’Église et la pratique de certains de ses dirigeants ?

Frédéric Martel présente François comme un pape « miséricordieux » sur la question gay, et même « gay friendly », mais devant la montée des affaires de mœurs qui secouent aujourd’hui l’Église catholique, peut-il prendre beaucoup de risques pour faire évoluer les points de vue, en particulier sur la question homosexuelle ou sur celle de la chasteté du clergé, dont chacun convient qu’elle ne peut plus tenir dans les conditions du monde actuel ?