
La crise a remis à l’honneur la nécessité de sortir du capitalisme mais la plus grande confusion règne sur ce que cela pourrait signifier et les moyens d’y parvenir. Pour certains, comme les partisans de la taxe Tobin ou de l’interdiction de la spéculation sur les prix, on devrait parler plutôt d’une sortie du capitalisme financiarisé et dérégulé qu’on a connu depuis 30 ans, tout comme pour ceux qui veulent un meilleur partage capital/travail et plus de protectionnisme. Pour d’autres, c’est le marché lui-même qui est en cause, voire la vénalité de l’homme, son individualisme ou son égoïsme. On fait appel aux valeurs, on voudrait moraliser le capitalisme et ses profits sans comprendre qu’il s’agit d’un système qui élimine ceux qui voudraient faire preuve d’un peu trop de moralité justement ! Bien sûr, de nombreuses mesures préconisées sont positives, qu’elles jouent sur les régulations, les normes ou la redistribution mais on ne peut parler en aucun cas d’une sortie du capitalisme.
Il ne fait pas de doute qu’il faut revenir aux analyses de Marx pour apporter un peu plus de rigueur à l’anti-capitalisme, ce qui ne veut pas dire qu’on devrait reprendre les réponses étatiques que le marxisme-léninisme a voulu y apporter et qui ont été infirmées par l’histoire. On doit bien admettre que ce n’est pas aussi simple qu’on le croyait et qu’on ne fait pas ce qu’on veut. Il nous faut trouver d’autres voies pour sortir du salariat et du productivisme, de la détermination de la production par le profit tout comme de la marchandisation du monde.
...Ce n’est pas en éliminant les mauvais capitalistes qu’on aura un bon capitalisme, pas plus qu’on ne supprime la violence en éliminant les violents. Se focaliser sur les entreprises ou l’accumulation du capital est une vision statique recouvrant leur dynamique interne, ce qui les constitue en système et fait leur force, ce qui fait que ça marche et s’impose matériellement. Au-delà des faits, il faut comprendre la logique sous-jacente (le "cercle vertueux de la croissance" comme ses crises cycliques).
...Du côté du salarié, le capitalisme c’est la prolétarisation de ceux qui ne possèdent pas leurs instruments de production et qui, ne pouvant rivaliser avec la productivité des machines, ne peuvent plus vivre de leur travail sans se mettre au service du capital et de son productivisme. On peut dire que le capitalisme produit le chômage et la misère pour obliger les travailleurs à devenir ses salariés.
...C’est de cette dépendance salarié/consommateur qu’il faut sortir pour sortir du capitalisme, ce qui veut dire sortir du salariat. C’est seulement en changeant le travail qu’on peut changer la vie vraiment mais l’enjeu écologique est bien là essentiel, même si cela ne parait pas prioritaire à première vue par rapport aux urgences du moment (ce n’est en rien une "critique artiste" mais une critique radicale et systémique, qui prend les problèmes à la racine en remontant aux causes et aux points stratégiques).
...Cette véritable "libération du travail", qui n’a rien à voir avec une fin du travail absurde et une vie de consommation de loisirs marchandisés, se doit au contraire de donner aux travailleurs les moyens d’un travail autonome, moyens financiers et organisationnels, afin de réaliser dès maintenant l’objectif final, qui n’est plus si utopique, du développement humain et d’une sortie du capitalisme : "de chacun selon ses capacités, à chacun selon ses besoin"...
... Il faut organiser la production alternative. Le travail autonome a besoin en effet d’institutions comme des coopératives municipales afin de valoriser les compétences, favoriser les coopérations ou les échanges de proximité et fournir tous les moyens d’un développement humain (formation, conseil, moyens, etc.). On ne peut laisser les travailleurs isolés comme si tout le monde était naturellement autonome et que notre autonomie ne dépendait pas des autres. Surtout, il faut organiser la production locale.
La relocalisation est primordiale...
...l y a en tout cas au moins 4 axes principaux qu’on peut combiner en système alternatif pour sortir du capitalisme, du salariat, du productivisme et de la société de marché :
– travail autonome (revenu garanti, coopératives),
– gratuité (numérique, biens communs),
– relocalisation (monnaies locales, coopératives)
– et secteurs protégés (services publics, médecins, etc.).