
Le soulèvement algérien n’a pas suscité en Tunisie ni au Maroc beaucoup de réactions. Pour des raisons différentes, les deux pays regardent ce qui se passe chez leur voisin avec une certaine prudence, voire de l’appréhension.
c’est tout un système mis en place depuis l’indépendance en 1962 qui est aujourd’hui rejeté par des Algériens majoritairement jeunes et qui réclament le changement à cors et à cris. Cette demande qui avait été largement partagée par les populations arabes en 2011 n’a pas reçu de réponse dans les pays de la région. En Tunisie, Béji Caïd Essebssi, déjà ministre de Habib Bourguiba a réussi à imposer le retour de l’ancien régime par ses méthodes et par ses hommes. Quant au Maroc, Mohamed VI a fait croire que la Constitution modifiée en 2011 avait répondu aux attentes manifestées, quand bien même elle ne porte ni sur la concentration des pouvoirs politique et religieux entre ses mains ni sur l’équilibre de ces mêmes pouvoirs.
« CHAQUE PAYS A SES PROPRES RÈGLES »
Le 1er mars 2019 à Tunis, une première manifestation de solidarité avec le peuple algérien a été violemment dispersée par la police. Une seconde, organisée le 9 mars à l’initiative de plusieurs organisations de la société civile ne rassemblait qu’une petite centaine d’Algériens et de Tunisiens. À la retenue des Tunisiens à investir massivement la rue pour exprimer spontanément leur solidarité se sont ajoutées les paroles timorées du chef de l’État, seul acteur de la classe politique à s’être exprimé sur les manifestations en Algérie. (...)
« Chaque pays a ses propres règles, je n’ai pas le droit de donner des leçons à qui que ce soit ». (...)
En outre, les Tunisiens savent que même très affaibli, le régime politique algérien est encore en place, et même si Abdelaziz Bouteflika décédait dans les semaines ou les mois à venir, la chute totale et définitive du régime n’est pas garantie. Les exemples égyptien et tunisien montrent que ces régimes autoritaires qui ont fait le vide dans le champ de l’opposition en écartant toute alternative gardent la maîtrise des arcanes du pouvoir et la mainmise sur l’administration et le fonctionnement de l’État. Autant dire qu’outre la peur suscitée par l’existence d’un autre foyer d’instabilité dans la région, personne en Tunisie, que ce soit dans le monde politique ou journalistique ne souhaite se mettre à dos tout ou partie de la classe politique algérienne.
BOUTEFLIKA « EL-MAROKKI »
Le mutisme observable au Maroc est évidemment sans lien avec la réserve tunisienne, même si les deux pays redoutent une contagion de la colère.
Si le Maroc officiel refuse de commenter la situation algérienne, c’est d’abord parce qu’Abdelaziz Bouteflika qui est la cible de toutes les manifestations est bien la dernière figure de l’épopée nationale et de la famille révolutionnaire. Il est donc de ce fait au centre du contentieux qui existe entre les deux pays. (...)