
Candidat sans l’être à la présidentielle de 2022, l’éditorialiste maurrassien profite surtout de sa non-campagne pour vendre des livres, qui lui rapportent comme jamais. « Libération » a enquêté sur son rapport à l’argent.
Autant le journaliste polémiste pouvait profiter de la tribune offerte par ses émissions de télé et ses chroniques dans le Figaro pour promouvoir ses livres, autant l’éditorialiste-candidat à la présidentielle devra, s’il se déclare, lancer la chasse aux voix en faisant campagne – et cela coûte cher, très cher. Il lui faudra de l’argent, beaucoup d’argent, pour financer ses déplacements, payer des équipes de collaborateurs, régler le prix des affiches, des meetings et de tout le matériel de campagne. Voilà l’équation la plus complexe à résoudre pour un candidat se rêvant en Trump et se coltinant tout seul l’élection suprême, démuni des capacités financières et logistiques d’un mouvement politique solide.
L’ancien chroniqueur de CNews partage bien avec l’ancien président américain quelques points communs, à commencer par l’intérêt médiatique qu’il suscite. Mais derrière ses intentions de façade, son organisation au petit pied, tournée exclusivement vers la vente de ses livres et son enrichissement personnel, montre un Zemmour qui n’a – pour l’instant – pas les moyens de ses ambitions, malgré des réseaux solides à l’extrême droite. Derrière le candidat « antisystème » se cache en fait un parvenu qui rêve de fréquenter les puissants, un mondain qui fricote avec des banquiers d’affaires, un « patriote » millionnaire (...)
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Éric Zemmour, le multimillionnaire champion de l’optimisation fiscale qui rêve de Vichy
De l’oseille. Beaucoup d’oseille. Éric Zemmour, l’attraction médiatique de cette rentrée, a accumulé (beaucoup) de capital. Le délinquant multirécidiviste, condamné à trois reprises pour incitation à la haine mais invité sur toutes les ondes, a bénéficié de sa folle exposition médiatique pour coffrer des pépètes. Et ce, essentiellement grâce à la vente de son nouveau livre, faisant du polémiste un multimillionnaire. Ce négationniste maurassien qui tente de réhabiliter Pétain et Vichy et se rêve en candidat d’une extrême-droite antisémite et antimusulmane en roue libre dans le pays, maîtrise l’art de l’optimisation fiscale. (...)
La stratégie de fond de Zemmour est sordide, mais gagne à être explicitée et connue : sa négation de l’Histoire à propos de Vichy et de l’affaire Dreyfus a pour objectif de gommer progressivement l’étiquette antisémite accolée à l’extrême-droite vichyste qui a collaboré avec les nazis, pour la réhabiliter et désigner les forces antifascistes qui l’ont vaincu comme l’ennemi. C’est bien l’entreprise d’Éric Zemmour : condamner les défenseurs de Dreyfus, la résistance républicaine et antifasciste, condamner les lois contre le racisme, l’antisémitisme et le négationnisme, et la reconnaissance de la responsabilité de l’État français dans la déportation des juifs.
La folle exposition qui permet à Zemmour d’exploser ses ventes de livre et de devenir multimillionnaire
À ce stade, Zemmour a beau passer ses midis à déjeuner dans de luxueux restaurants des Champs-Élysées pour tenter de séduire les gros donateurs, la cagnotte de sa (probable) campagne repose avant tout sur la vente de ses ouvrages. Si le millionnaire Charles Gave a sorti le chéquier, 300 000 euros, si des chèques du montant maximal de 7 500 euros arrivent dans une boite aux lettres du 10ème arrondissement, la structure semble désorganisée, à tel point que le mandataire financier d’Éric Zemmour vient de démissionner.
Mais le polémiste le plus célèbre du pays peut compter sur son propre patrimoine. Alimenté avant tout par une source : sa vente de livres. Son dernier ouvrage, La France n’a pas dit son dernier mot, a déjà été vendu à 189 376 reprises, en seulement trois semaines. Plus de 200 000 exemplaires vendus, si l’on comptabilise les précommandes en ligne.
Et le délinquant multirécidiviste a réalisé un choix juteux : l’auto-édition. Éric Zemmour a quitté Albin Michel, pour maximiser ses profits. En optimiseur aguerri, le polémiste a modifié les statuts de sa société, Rubempré. Cette dernière qui depuis 2012 perçoit ses droits d’auteur en son nom.
2 millions d’euros en 3 semaines directement dans la poche de Zemmour
Une sacrée optimisation : après avoir payé les libraires (40 % du prix du livre), les coûts de distribution et de diffusion (10 %), d’impression (5 %), Éric Zemmour pourra conserver… la part de l’éditeur (30 %) ainsi que… les droits qu’il aurait touchés en tant qu’auteur, quelque 15 %. Pour un maximum de benef : 45% dans sa poche ! Un sacré pactole : Zemmour triple les revenus nets versés à Rubempré.
Tremper son venin dans la plume, un business juteux. Au total, ce sont entre 8 et 10 euros qui reviennent directement dans la poche du polémiste à chaque vente, selon les calculs d’un patron de maison d’édition cité par le journal Libération. Soit le magot de 800 000 à 1 million d’euros pour 100 000 ventes. Avec près de 200 000 ventes de son dernier ouvrage, le polémiste aurait ainsi déjà empoché… 2 millions d’euros en 3 semaines ! (...)
Le couple Zemmour, champion de l’optimisation fiscale
C’est bien ce confort financier qui permet à Zemmour de retarder l’annonce de sa probable candidature à la présidentielle. Le polémiste est ainsi tout à fait capable de louer une salle, comme à Nice en septembre dernier, avec son propre chéquier. L’homme condamné à trois reprises pour incitation à la haine, a également le luxe de s’offrir une sécurité privée, assurée par le groupe Ultreïa, en supplément de la protection des officiers du SDLP du ministère de l’Intérieur du fait des menaces reçues par le polémiste.
Éric Zemmour est gérant actionnaire majoritaire de sa société Rubempré, à raison de 225 parts pour lui, et sa femme, l’avocate Mylène Chichportich, possède le reste des parts (25). Après avoir reçu les droits d’auteur, la société (c’est à dire le couple Zemmour), peut librement redistribuer à l’auteur l’intégralité des bénéfices, avec une formule au choix : salaires ou dividendes. En ne payant que l’impôt sur les sociétés et pas l’impôt sur les revenus, Éric Zemmour bénéficie d’un taux bien plus avantageux que celui taxant les très gros revenus. Le couple Zemmour, les AS de l’optimisation fiscale, qui rêve de Vichy.