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le vent se lève
Souveraineté industrielle : au-delà des mots, le véritable bilan d’Emmanuel Macron
Article mis en ligne le 2 mai 2022
dernière modification le 1er mai 2022

Emmanuel Macron s’est présenté comme le candidat de la souveraineté industrielle retrouvée, évitant pourtant soigneusement de tirer un bilan de son mandat précédent. Les débâcles qui l’ont scandé établissent la fragilité des capacités nationales en matière d’intelligence économique.

L’État et ses services ne parviennent plus à détecter les signaux faibles des offensive provenant de puissances étrangères. Le rachat d’Alsid et Sqreen, spécialistes en cybersécurité, par des entreprises américaines – avec la bénédiction de Bercy – a questionné la capacité à garder sous pavillon français des entreprises stratégiques. Si l’interventionnisme semble désormais acceptable pour stimuler un secteur ciblé, il apparaît bien incomplet au regard des enjeux que présentent tant la désindustrialisation continue du système productif national, que la concurrence internationale et parfois déloyale de nos « alliés ». Aux prises avec des logiques néolibérales de l’action publique, l’Etat est incapable d’orienter le développement économique et industriel conformément aux objectifs qu’il se donne. (...)

Une stratégie industrielle résolument néolibérale

Afin de stimuler les investissements privés, les impôts et taxes sur le capital sont également allégés par la suppression de l’Impôt de solidarité sur la Fortune (ISF) au profit d’un Impôt sur la Fortune Immobilière – IFI-) et l’amplification du Crédit Impôt Recherche (CIR), aujourd’hui 2ème niche fiscale de l’État pour quelque 7 milliards d’euros en 2021. Si l’industrie française se caractérisait par une fiscalité importante nuisible à sa compétitivité [2], ce type de politique n’enraye pourtant pas la marche de la désindustrialisation. Une étude menée par Thierry Mayer et Clément Malgouyres (2018) tend à démontrer que le CICE a eu un impact nul sur la capacité des entreprises bénéficiaires à exporter. (...)

La France accuse ainsi le recul industriel relatif le plus fort comparé à ses voisins italiens et espagnols, et à contre-courant de la performance allemande qui a vu la part de sa valeur ajoutée manufacturière totale dans la zone euro progresser (...)

la politique monétaire européenne est défavorable aux économies des pays du Sud de l’Europe, particulièrement importateurs, et favorable inversement à ceux du Nord dont l’économie est davantage orientée vers l’exportation. (...)

Ainsi, la valeur de l’euro est par structurellement défavorable à l’économie française.

En parallèle, la recherche publique française ne cesse de décrocher comme le rappelle le prix Nobel de physique Spiro, mais aussi les nombreuses études et articles sur le sujet (...)

Cette frilosité à financer les projets du futur ne présentant pas de garantie immédiate de retour sur investissement explique en partie l’absence d’innovations technologiques de ruptures. A l’inverse, les différents gouvernements des États-Unis se sont montrés particulièrement interventionniste en matière de soutien au financement de la recherche fondamentale, qui était une condition pour un environnement technologique favorable au développement des GAFAM. (...)

L’intelligence économique française à demi-mot

Dans cette vision de l’intervention publique, la politique nationale en matière d’intelligence économique est réduite à sa seule dimension de protection. Le Service de l’information stratégique et de la sécurité économique (SISSE) rattaché au Ministère de l’Économie et des Finances, a pour mission (entre autre) de surveiller les activités de prédation d’entités étrangère sur des sociétés françaises stratégiques ainsi que les participations étrangères aux partenariats de recherche stratégique. Si le rapport Martre, publié en février 1994, a posé les bases d’une vision nationale de l’intelligence économique en phase avec les nouveaux enjeux des guerres économiques, l’ambition de l’État à concrétiser cette vision n’a pas été réalisée, le SISSE étant fondé exclusivement sur une vision défensive de l’intelligence économique. (...)

Ce paradigme de l’intervention publique segmente l’intelligence économique, interprétée comme un outil défensif, et la politique industrielle, qui serait son pendant proactif mais pourtant bien peu valorisée. Héritée des dogmes libéraux, l’intervention publique minimale dans la sphère économique tend à être remise en cause par la succession des crises économiques et sociales induites par une mondialisation non contrôlée. (...)

Le gouvernement a conscience de cette trajectoire [9] et tente d’y remédier par un certain nombre d’outils peu innovants sans réellement sembler y croire, comme l’a confessé le Président de la République lui-même : « il se peut qu’on soit dans le monde d’après, mais il ressemble furieusement au monde d’avant » [10].

La stabilité du système économique s’est vue menacée par la crise des subprimes en 2009, par la crise des dettes souveraines en 2012, puis par la crise sanitaire depuis 2019. Cette succession de crises met le système économique et industriel à rude épreuve et a nécessité l’intervention publique par divers leviers. (...)

S’il n’y a pas d’argent magique, la crise sanitaire a prouvé le contraire. Fort de 260 milliards d’euros, les plans de relance et d’investissements publics ont été présenté comme le fer de lance d’une ambition nationale visant à développer un tissu industriel et technologique répondant aux enjeux auxquels la France fait face. (...)

Ces plans conjoncturels, non pas pensés comme proactifs ou offensifs, s’inscrivent dans une dimension défensive de résistance face au choc de l’arrêt de l’économie et au risque de décrochage. Si ces mesures se sont avérées nécessaires, l’ambition de l’État reste limitée à résister au choc plus qu’à poser les bases d’une planification ambitieuse. De la même manière, le Plan France 2030 annoncé par E. Macron le 12 octobre 2021 ne déroge pas à la règle des grandes ambitions sans réels moyens. (...)

Des formes de planification désordonnée

Dans une note de France Stratégie, les auteurs relèvent la multiplication des plans et « stratégies nationales » sectorielles (haut-débit, mobilité, revitalisation des centre villes, Territoires d’industrie, France Services) existants aux côtés des documents de contractualisation entre l’Etat et les collectivités comme les Contrats de Plan Etat-Région (CPER) et Contrats de Relance et de transition écologique (CRTE).

Daniel Agacinski note : « Paradoxalement, il n’y a jamais eu autant de plans que depuis qu’il n’y a plus de Plan. Se pose alors nécessairement la question de l’articulation entre les objectifs poursuivis par ces différents plans, comme celle de la coordination des différents acteurs chargés de les animer. […] On voit ainsi que l’idée même de planification, si elle demeure, est littéralement diffractée entre différents secteurs d’une part et entre différentes échelles d’autre part » [12]. Il relève ainsi la problématique forte d’enjeu de cohérence entre l’existence de ces nombreux dispositifs de programmation et des plans de relance conjoncturels. (...)

La mise en place de politique d’intelligence économique ambitieuses nécessite de revoir les logiques d’action de l’État. Un interventionnisme réfléchi, structuré et planifié au-delà des annonces électorales s’impose afin de donner une réelle consistance aux politiques économiques et industrielles enrichies des informations produites par les outils et dispositifs d’intelligence économique. C’est par cette matière que les collectivités et la société civile peuvent projeter leurs projets et activité au long terme.