
Roger Karoutchi, est sénateur Les Républicains des Hauts-de-Seine, et auteur d’une biographie de Jean Zay, Jean-Pierre Sueur lui, est sénateur socialiste du Loiret, département d’élection du ministre de l’Education nationale de Léon Blum. S’ils appartiennent tous les deux à des familles politiques différentes, ils rendent hommage à l’homme qui démocratisa, et transforma durablement l’Education nationale. Entretien croisé.
On pense à Jules Ferry quand on parle d’ouverture au plus grand nombre de l’instruction publique, mais le rôle de Jean Zay a été déterminant dans la démocratisation de l’enseignement pourquoi selon vous ?
Roger Karoutchi : Le rôle de Jean Zay dans la démocratisation de l’école publique est déterminant, autant que Jules Ferry mais pas sur les mêmes segments. Jules Ferry c’est l’école pour tous, l’ouverture au plus grand nombre. Jean Zay lui démocratise l’accès aux classes supérieures. Jules Ferry c’est l’instauration d’une école laïque et républicaine, Jean Zay lui ouvre l’enseignement secondaire jusqu’alors réservé aux familles les plus privilégiées.
C’est lui qui introduit aussi le sport, les travaux pratiques, la culture à l’école ?
Roger Karoutchi : Mais c’est aussi et surtout l’ouverture à d’autres méthodes d’enseignement. Dans les années 1930 il y a une forte réflexion pédagogique. On tire les leçons de l’enseignement académique. Dans son ministère Jean Zay a, à ses côtés, quelqu’un comme Léo Lagrange qui défend l’idée aussi que le sport, l’activité physique fait partie intégrante de l’éducation. Tout comme les travaux manuels. Il n’y a pas que les cours, l’objectif n’est plus de faire des enfants avec des têtes bien pleines. C’est au même moment que les sorties scolaires sont encouragées, les élèves vont au musée, au théâtre. Avant on était dans une éducation livresque : dans la copie, l’apprentissage, la récitation. Au centre du projet de Jean Zay, il y a l’émancipation, le développement du sens critique (...)
Jean-Pierre Sueur : Jean Zay a été élu très jeune député du Loiret, et fut un ministre emblématique du Front populaire. C’est un grand réformateur de l’enseignement, et surtout promoteur de nouvelles pédagogies comme celles du mouvement Freinet. Il voulait une école ouverte sur la société, il tenait au sport, à l’éducation physique, aux travaux manuels, mais en même temps il défendait l’idée de l’exigence en termes de savoirs pour que jeunes aillent le plus loin possible dans l’instruction.
Les classes vertes c’est lui ! les classes à la mer c’est lui !
Il était novateur dans les pédagogies et exigeant sur les savoirs. (...)
Il y a d’autres volets importants dans son action dans l’accès aux savoirs et à la culture pour tous. Je pense à son action dans le domaine de la recherche avec la création du CNRS, la création avec Jean Perrin du Palais de la Découverte, ou encore comme ministre des Beaux-Arts, la création du Festival de Cannes en 1939 en réaction à la mise sous tutelle du régime fasciste de la Mostra de Venise. (...)
Mis en cause dans l’affaire du « Massilia » (du nom du bateau dans lequel il embarque avec d’autres parlementaires depuis Marseille pour poursuivre le combat depuis l’Afrique du Nord), il est incarcéré, puis tué par des représentants de la milice qui se sont fait passer pour des résistants. C’était juste qu’il entre au Panthéon en 2015, comme l’a voulu François Hollande. (...)
« Il n’a pas été tué par des ennemis de la France, mais par des miliciens français, c’est quelque chose de dur que ce ministre de l’intelligence ait été tué par des Français ». (...)