
Trappes : ceux qui font et ceux qui défont
Je ne dispose pas d’information suffisante pour évaluer quel est le niveau de menace contre M. Lemaire, professeur que j’ai eu l’occasion à de nombreuses reprises de rencontrer y compris devant ses élèves. Mais quoi qu’il en soit, il est normal que la police soit vigilante, enquête pour évaluer de potentielles menaces, contre lui ou contre toute personne, et les protège autant que nécessaire. Nous savons que ces menaces sont réelles dans notre pays et à quoi elles peuvent mener. Nous ne pouvons pas prendre le risque d’une nouvelle attaque, d’un nouveau meurtre comme celui contre Samuel Paty.
Mon sujet n’est ainsi pas M. Lemaire en tant que personne mais l’emballement médiatique qui piège tout le monde. Personne ne conteste que Trappes a des problèmes. De nombreux rapports et livres les ont documentés. Cependant, en jetant l’opprobre de manière globale sur une ville et ses habitants, on empêche en réalité de résoudre les problèmes que l’on dénonce.
A Trappes, comme dans toutes les villes de France, une armée silencieuse de bénévoles, d’enseignants, de fonctionnaires territoriaux ou d’Etat, mène au quotidien le combat de la cohésion, le combat contre les racines du terrorisme et contre les extrémismes. Chacun tente à sa manière d’apporter sa pierre à l’édifice pour refaire société avec ceux qui doutent, déceler les signes d’une violence à venir chez quelques-uns, opposer la raison critique aux discours des prêcheurs de haine et des falsificateurs de religion.
C’est ce travail difficile du quotidien que les responsables politiques et médiatiques devraient mettre en lumière, à Trappes comme ailleurs. Quelles sont les actions de terrain ? Qu’est ce qui marche ? Ce qui ne marche pas ? Qu’est ce qu’on peut généraliser ? Quel financement ? Quel devrait être le rôle du maire ? De l’Etat ? De l’Ecole ? Des parents ? (...)
L’enjeu des prochaines années, c’est celui de rebâtir l’universalisme républicain car il a été abîmé par les immobilismes, par les entrepreneurs de haines et par notre incapacité à construire un débat national intelligent sur ces sujets. Partout où je vais, je vois une France en action, une France qui est belle parce qu’elle tente de s’unir. Votre responsabilité journalistique est de la montrer. Votre responsabilité politique est de la porter et de lui donner des moyens. Pas de gâcher son travail.