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« Stop Covid » : une application de pistage du virus respectueuse des libertés est-elle possible ?
Article mis en ligne le 16 avril 2020

Le gouvernement français annonce développer une application qui tracerait les contaminations au coronavirus. Son utilisation serait volontaire et son code transparent, assurent les autorités. Pourtant les activistes des libertés numériques s’inquiètent : de tels outils pourraient contribuer à une surveillance généralisée de la population.lm

Le gouvernement prépare une application de traçage des contaminations au virus du Covid-19. L’application s’appellerait « Stop Covid ». Son objectif, « limiter la diffusion du virus en identifiant des chaînes de transmission », explique Cédric O, secrétaire d’État chargé du Numérique [1]. De telles applications sont déjà en place en Corée du Sud, à Singapour, à Taïwan, en Israël… Elles n’ont pas toutes la même fonction. (...)

Deux modèles d’applications coexistent, qui ont des buts différents. « Deux logiques sont en œuvre », précise l’Observatoire des libertés et du numérique, qui regroupe notamment la Ligue des droits de l’Homme, la Quadrature du net, le Syndicat de la magistrature. Certaines applications ont pour but de « géolocaliser les populations et vérifier qu’elles respectent le confinement », d’autres de « signaler aux personnes qu’elles ont pu être en contact avec des malades du Covid-19 ». Le deuxième type peut sembler de prime abord moins invasif pour la vie privée.
Peut-on faire confiance aux promesses du gouvernement concernant la « transparence » ?

C’est ce second modèle que le gouvernement dit vouloir expérimenter : une application pour identifier qui pourrait avoir été contaminé, en fonction des contacts éventuels. (...)

La détection des personnes se ferait probablement par Bluetooth, sans avoir à enregistrer l’endroit où ce contact a eu lieu. Plus tard, si vous êtes malade, l’application permet d’informer ces personnes pour les inviter à se mettre en quarantaine. (...)

Le secrétaire d’État au Numérique affirme que l’application « Stop Covid » serait téléchargeable uniquement par ceux qui le souhaitent. Personne ne serait obligé de l’utiliser. Autre aspect que le gouvernement met en avant : l’application se baserait sur le Bluetooth, qui permet l’échange de données à très courte distance, sans géolocalisation. « L’application ne géolocalisera pas les personnes », affirme bien Cédric O. C’est « l’historique des relations sociales » dans les jours précédents qui sera relevé. Autre promesse gouvernementale : le code informatique de l’application sera « public ». Ce qui veut dire que quiconque, capable de comprendre un code informatique, dont les associations de défense des libertés, pourra vérifier comment est fabriquée l’application.

Le principe d’une utilisation « volontaire » risque d’être vite oublié

Tout cela aurait de quoi rassurer. Mais ce n’est pas la première fois que ce gouvernement déploie des solutions numériques en promettant la transparence. Rappelons-nous le « Grand débat », et la plateforme en ligne choisie par gouvernement. Son code n’était pas ouvert, pas « auditable ». Le logiciel de la plateforme était basée sur un logiciel « propriétaire » – ce n’était pas un logiciel libre, le code en était fermé, personne d’autre n’y avait accès (voir notre article : Grand débat : pourquoi la plateforme de consultation en ligne est vivement critiquée pour son opacité).

Malgré les promesses, le projet d’application Stop Covid suscite des oppositions. (...)

Le développement de l’application française fait partie d’un projet européen, le « Pan-European Privacy-Preserving Proximity Tracing » (PEPP-PT) [3]. L’intitulé de ce projet, qui associe 17 institutions dont, pour la France, l’Institut national de recherche en informatique et en automatique, insiste bien sur la « préservation de la vie privée ». L’objectif affiché est effectivement une application de traçage via Bluetooth sur la base du volontariat.

Plusieurs centres de recherches allemands font aussi partie du projet. Celui-ci ne suscite pas les mêmes oppositions en Allemagne, même de la part de figures de la défense des libertés numériques. (...)

« Le danger existe que les données soient utilisées par les autorités et la police » (...)

La nécessité d’un « débat démocratique et public sur les mesures de surveillance » (...)

Y a-t-il un risque que de telles applications conduisent à rendre la surveillance généralisée plus acceptable par la population ? « Bien sûr, répond le militant de la protection de la vie privée Thilo Weichert. C’est pour cela qu’il faut que ces applications soient contrôlées par une autorité indépendante et qu’un débat démocratique et public sur les mesures de surveillance ait lieu au plus vite. »

Lire aussi :

StopCovid : le gouvernement mise sur un débat parlementaire pour dépassionner

L’exécutif avance prudemment sur la piste d’une application, baptisée « StopCovid », destinée à utiliser les données des téléphones mobiles dans le cadre du déconfinement . Le débat parlementaire annoncé lundi soir par Emmanuel Macron lors de son allocution sera organisé le 28 avril prochain à l’Assemblée nationale et le 29 avril au Sénat. Il ne donnera pas lieu à un vote.

Vu la polémique autour de ce projet, ce choix d’un débat sans vote a immédiatement suscité des critiques. « Un débat sans vote, c’est grotesque. Le Parlement est là pour voter. Certaines de nos têtes pensantes ont visiblement encore du mal à voir à quoi peut et doit servir le Parlement », estime le député ex-LREM Matthieu Orphelin, très opposé au lancement de cette application.

A gauche, cette absence de vote fait peur. « A-t-on changé de régime ? Depuis quand on débat sans vote sur un sujet aussi dangereux pour les libertés publiques et individuelles ? La prochaine étape c’est quoi, supprimer le Parlement ? » a déclaré sur Twitter Julien Bayou, secrétaire national d’EELV.

Ce débat parlementaire interviendra au moment où l’exécutif présentera sa stratégie de sortie du confinement. (...)

L’exécutif souhaite que l’application soit prête pour le 11 mai, date du début du déconfinement. Avant de donner son feu vert, il attend encore de voir la faisabilité technique et l’utilité d’une telle application, qui doit être utilisée par 60 % de la population pour être efficace.
L’exécutif multiplie les messages rassurants

La majorité reste plus que prudente sur ce projet qui suscite beaucoup d’« émotion » en son sein de l’avis même de Gilles Le Gendre, le patron des députés LREM (...)

Devant la multitude d’interrogations que porte une telle initiative, Cédric O, secrétaire d’Etat au Numérique et chargé du projet, multiplie les messages rassurants, sans, pour l’instant, convaincre les opposants. (...)

Chez les Français, le sujet divise. Selon un sondage Elabe publié mercredi matin, 51 % des Français seraient prêts à utiliser une telle application tandis que 42 % affirment le contraire.