
Un collectif de plus de mille membres issus principalement de la recherche et de l’enseignement, parmi lesquels Eric Fassin ou François Héran, mais aussi des personnalités comme la romancière Annie Ernaux, prend position en défense de la philosophe Sophie Djigo, cible de menaces de l’extrême droite qui ne supporte pas son engagement en faveur des migrants.
Tribune.
Notre collègue Sophie Djigo est philosophe et chercheuse, enseignante en classes préparatoires, autrice de plusieurs ouvrages de référence sur la question des migrations et fondatrice de l’association Migraction59 pleinement engagée dans le soutien aux migrants à Calais.
Elle est actuellement la cible des attaques de plusieurs mouvements d’extrême droite, sur les réseaux sociaux desquels son nom, sa photo, les vidéos de ses interventions et son adresse professionnelle sont diffusés et exposés à la vindicte et au lynchage médiatique. Elle reçoit depuis des semaines des insultes, subit des harcèlements et des menaces de mort explicites, dont la montée en puissance l’a conduite, suite à une nouvelle escalade, à demander la protection fonctionnelle le 28 novembre.
Un communiqué de presse de Reconquête ! et un autre du Rassemblement national la désignent explicitement comme corruptrice de la jeunesse par son activité enseignante, criminalisant par là la simple action pédagogique de sensibilisation aux pratiques solidaires, qui fait pourtant partie intégrante et reconnue d’une éducation à la citoyenneté. (...)
Stigmatisations ministérielles
Des chercheurs et des enseignants sont ainsi régulièrement exposés à la violence de ces réseaux et à leurs manœuvres d’intimidation. Et les collusions entretenues entre le pouvoir politique et les puissances d’extrême droite, favorisées par les stigmatisations ministérielles à l’encontre des « islamo-gauchistes », introduisent une banalisation de la violence xénophobe et raciste. (...)
La brutalité des insultes et des intimidations subies par notre collègue atteste donc d’une véritable offensive coordonnée et décomplexée, plus particulièrement dans le Nord en ce moment, où d’autres collègues universitaires subissent collectivement des attaques similaires. (...)
Sophie Djigo est à la fois une philosophe et une militante, dont l’action solidaire, particulièrement efficace et déterminée, est liée à une profonde réflexion de chercheuse et à une activité enseignante intellectuellement exigeante, reconnue et de haut niveau dans le système de l’enseignement public supérieur. Et le rectorat a, du reste, décidé de la soutenir en portant plainte pour diffamation.
Politiques xénophobes et liberticides
Et pourtant, elle a dû renoncer à l’organisation d’une rencontre entre ses élèves et les bénévoles de l’Auberge des migrants, à Calais, par crainte d’une descente violente des associations xénophobes qui en ont divulgué la date. Et cette forme d’intimidation constitue un véritable bâillon culturel.