Étant bien à l’aise dans mon poste actuel, j’avais commencé à demander à passer à l’échelon technique supérieur 🪜. J’en ai discuté avec mon manager, il m’a partagé les critères pour l’étape suivante et j’ai rempli un document qui montre que sur tous les points j’ai le niveau. On en a discuté et il est rapidement arrivé à la conclusion que de toute façon je faisais déjà le travail du poste au dessus, donc il allait soutenir ma promotion à la prochaine fournée. Moi j’étais toute contente : “Youpi, enfin une entreprise dans laquelle j’ai mes chances !”. Les processus de promotion sont souvent annuels, ou biannuels et je savais bien qu’il me fallait un peu de patience.
Vient un jour de réunion générale ou tout d’un coup surgit un slide pour féliciter les personnes fraîchement promues et là, comme dirait Amélie Nothomb : stupeur et tremblement ! Ça me frappe immédiatement : j’aurais dû être sur ce slide ! Que s’est-il passé ?
Une grande parenthèse dans le passé (...)
Je fais une grande parenthèse. J’ai dans mes premières années en tant que développeuse subi une période de harcèlement moral. Par des développeurs misogynes qui se sont ligués contre moi pour pouvoir mieux être promus, et ils ont réussi. Ils m’ont dénigrée auprès des managers sans que j’en sache rien, ils s’amusaient à changer des parties de l’application au dernier moment pour que la partie que je développais ne fonctionne plus lors des démonstrations. Quand j’entrais dans la pièce où ils étaient pour discuter projet, ils se taisaient et m’ignoraient. Ils sont allés jusqu’à s’attribuer certaines de mes réalisations. Et quand, n’ayant aucune écoute côté management, j’ai osé dire par email à l’équipe tant bien que mal que ça ne pouvait pas continuer… On m’a juste reproché d’écrire un email, et ignoré totalement le fond. A noter qu’évidemment le plus toxique et misogyne dans l’histoire c’était le développeur qui visait une carrière technique. Il a continué pendant des années derrière à évincer toute concurrence d’autant plus violemment si cette concurrence était racisée et/ou féminine. Un cas somme toute classique de “oui c’est des gens toxiques mais bon ils sont performants alors on les laisse faire”.
J’ai mis plus d’un an à comprendre que le problème ce n’était pas moi (...)
Il m’a fallu plusieurs années pour mettre les mots harcèlement moral - plus d’années que la durée de prescription de 5 ans. Je me suis informée et formée sur les biais, y compris les biais sexistes, et aussi le conditionnement social. J’ai gravi des échelons, choisissant soigneusement les personnes avec qui j’allais travailler, évitant à tout prix des personnes que j’estimais à risque pour moi. Ça m’a peut-être fermé des opportunités, peut-être pas je ne saurai jamais. Mais ça m’a mise sur le qui-vive un peu permanent. La “safe place” ce n’est pas un concept marketing de recrutement pour moi, mais une nécessité.
Pourquoi cette parenthèse ? Simplement pour expliquer que comme je m’étais déjà confrontée à un mur de sexisme crasse, j’avais depuis beaucoup appris sur les mécanismes de mise à l’écart des femmes et des personnes sous représentées. Et pourtant, je n’ai rien pu faire pour empêcher ce second gros mur que j’ai pris dans la face.
De retour vers “stupeur et tremblements” (...)
je suis fatiguée de cette société qui est incapable de croire les femmes. Combien faudra t-il encore de vidéos ou témoignage où un homme se retrouve, volontairement ou par accident, à la place d’une femme ? Pour se rendre compte qu’en fait oui c’est violent ce que vivent les femmes et que ce qu’elles dénoncent c’est vrai et systémique. (...)