
Mardi 20 janvier, Arte rediffusait le documentaire coréalisé par Jean Quatremer, « Grèce, année zéro ». S’agissait-il, à l’approche des élections législatives en Grèce, de fournir aux téléspectateurs français l’occasion d’approfondir les enjeux autour de la situation critique du pays et des élections du 24 janvier ? Difficile de l’imaginer, avec ce film de 52 minutes qui enfile les clichés sur la Grèce et la nécessité de « la réforme », en se concentrant presque exclusivement sur la fraude et la corruption. De ces maux bien réels, le documentaire propose une explication culturelle ou historique (ou encore une « psychanalyse », selon les mots de Quatremer lui-même), au détriment d’une mise en perspective économique et politique de la crise et des « remèdes » possibles.
Une question se pose d’emblée : pourquoi confier à Jean Quatremer la réalisation d’un documentaire sur la crise grecque ? On gage que les producteurs d’Arte ont été séduits par l’acuité de son expertise sur la Grèce, qui laisse apparaître certaines de ses qualités : son européisme convaincu, sa répulsion pour les extrêmes-qui-se-touchent, ou encore sa grande connaissance du pays, où il passe régulièrement ses vacances [1].
C’est peut-être à l’occasion d’un séjour dans les Cyclades que le correspondant de Libération a rencontré l’historien gréco-suisse Nicolas Bloudanis, originaire de l’île de Patmos, qui joue dès le commencement du documentaire le rôle de « guide » dans la Grèce en crise. Un choix qui n’a rien d’anodin ; interviewé en 2011 par Quatremer dans les colonnes de Libération, l’historien donnait un avis tranché sur la situation en Grèce : il en appelait alors à « privatiser les entreprises publiques » et « réduire drastiquement la taille de la fonction publique » [2].
Au-delà de ces recommandations originales, Nicolas Bloudanis partage avec Quatremer, une vision « culturelle » de la crise grecque, selon laquelle les problèmes des Grecs – réduits pratiquement à la fraude fiscale et à la corruption – trouvent leur explication dans une certaine « mentalité ». On reviendra sur cette question centrale dans le documentaire ; plus importante même que celle posée dans le sous-titre de l’émission – et qui annonce néanmoins la couleur : « Comment l’amer remède imposé par l’Europe à la crise de la dette apporte aussi à la Grèce une chance inédite de construire un État de droit. » Une version grecque de « Vive la crise », en quelque sorte… (...)