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Reporterre
Sur la Zad de Notre-Dame-des-Landes, la bataille des terres continue souterrainement
Article mis en ligne le 24 juin 2018

Sur la Zad de Notre-Dame-des-Landes, les expulsions ont cessé, mais l’avenir des terres n’est en rien assuré. Les tenants d’une agriculture productiviste veulent reprendre le terrain, alors que les néo-paysans zadistes défendent leurs « fermes à taille humaine ». L’Etat et le conseil départemental laissent planer l’incertitude sur leurs décisions.

Après l’épisode violent des expulsions, on pourrait croire le calme enfin revenu, sur la Zad de Notre-Dame-des-Landes. Le bruit des grenades ne couvre plus celui des oiseaux, les gendarmes se font moins nombreux, les routes rouvrent à la circulation, 15 conventions d’occupation précaires (COP) pour des projets agricoles ont été signées entre les zadistes et la préfecture. « Le processus de retour à une situation de droit sur la zone est en bonne voie. Mme la préfète est confiante sur le fait que chacun, avec sa propre sensibilité, a désormais à cœur de contribuer à sa réussite », écrit dans un courriel à Reporterre la préfecture de Loire-Atlantique.

Mais en coulisses, la bataille des terres, elle, se poursuit. L’avenir des 1.650 hectares de la Zad reste incertain. Les convention COP signées avec les zadistes sur 140 hectares ne sont valables que jusqu’à la fin de l’année 2018. « Il s’agit d’une phase transitoire […]. Ces projets doivent encore faire l’objet des autorisations agricoles nécessaires », écrit la préfecture dans son communiqué. D’ailleurs, aucun agriculteur de la Zad ne peut se prévaloir d’un droit pérenne à y cultiver, tous n’ayant pour l’instant que des COP arrivant à échéance à la fin de l’année.(...)

Tout reste donc à régler, alors qu’une autre annonce est venue rebattre les cartes : fin mai, Ouest France révélait que l’État avait pris acte de la revente au département de Loire-Atlantique de 895 hectares de terres de la Zad. « Les services de l’État travaillent à cette hypothèse », se contente d’indiquer la préfecture à Reporterre. La confirmation officielle devrait venir avant la fin de l’été, puis la vente se faire dans les six mois qui suivent. Le prix reste à déterminer. Ces terres avaient été achetées par le département depuis 1974 en vue du projet d’aéroport, puis vendues à l’État en 2012 afin de permettre sa mise en œuvre. À l’annonce de son abandon au début de l’année, la Loire-Atlantique avait lancé une procédure juridique pour les récupérer. Une façon de reprendre la main alors que le département avait fortement défendu le projet d’aéroport.

« On est dans une nébuleuse »
« On n’est pas rassuré que le département puisse devenir propriétaire des terres, réagit-on du côté des occupants de la Zad. Il voulait les bétonner, il n’a pas la volonté d’en prendre soin. Et il tient un discours de gestion classique des terres agricoles. »

« Pour nous, l’important est de préserver la vocation agricole et naturelle des lieux », rassure-t-on au département. (...)

Parmi les 895 hectares de terres concernées par cet éventuel rachat, on trouve une grande partie des terres sur lesquelles les zadistes ont pu signer des conventions d’occupation précaire, environ la moitié des terres cultivées par les quatre fermes « résistantes » qui ont refusé l’expropriation et les indemnités qui vont avec, ainsi que des terres cultivées par les agriculteurs alentour via des baux précaires conclus en attendant la construction de l’aéroport, et même des bois ou des terres en friche.

Chaque situation a ses particularités. Les quatre paysans « résistants » ont lancé la procédure juridique afin de récupérer le droit de cultiver les terres qu’ils ont toujours refusé de quitter, soit 310 hectares en tout. Mais ils n’en sont pour la plupart pas propriétaires. (...)

Beaucoup de questions restent sensiblement les mêmes que l’État ou le département soit propriétaire. Côté zadistes, on sait que le répit n’est que de courte durée.(...)

Sont également en suspens les autres projets qu’ils ont déposés. Six projets agricoles seront examinés à l’automne : quatre se situent sur des parcelles « conflictuelles », que se disputent zadistes et agriculteurs des alentours ; deux n’avaient pas démarré en mai. Les projets socioculturels et artisanaux sont également en suspens, et devront être examinés par les collectivités territoriales. La question de l’habitat persiste aussi : que feront les collectivités locales, qui ont le pouvoir d’autoriser ou pas les constructions précaires à rester ? Que deviendront les bâtiments en dur ?

Enfin, autre acteur majeur, les agriculteurs — appelés les « non-résistants » par les opposants à l’aéroport —, qui ont accepté, plus ou moins tôt dans le processus d’achat des terres puis d’expulsion, de vendre leurs terrains, d’abandonner leur bail, d’accepter l’avis d’expulsion et de percevoir les indemnités. La plupart ont continué de cultiver ces mêmes terres, mais sous le régime de baux précaires renouvelés chaque année. Ils ont aussi été prioritaires pour racheter des terres en dehors de la Zad. Ils revendiquent la possibilité de continuer d’exploiter les terrains sur la Zad, et veulent retrouver leurs baux ou titres de propriété antérieurs. Ils ont pour cela créé une association, nommée Amelaza. Le mouvement anti-aéroport conteste leur légitimité à cultiver des terres qu’ils n’ont pas contribué à « sauver du béton ».