
Sauvé de la peine capitale en raison de son jeune âge et rescapé miraculeusement des pires geôles du régime syrien, l’écrivain Mohammed Berro a vu mourir sous ses yeux des centaines de détenus politiques. Il a finalement réussi à raconter ce qu’il croyait être l’indicible.
Dans la prison de Tadmor, près de Palmyre, Mohammed Berro est arrivé un mois tout juste après le massacre de près d’un millier de détenus politiques, perpétré le 26 juin 1980 à l’initiative de Rifaat al-Assad, frère cadet du chef de l’État syrien. Avec ses codétenus, il a dû laver longuement les murs couverts de chair humaine et de cheveux – les tueurs, tous membres des « Saraya al-Difaa al-Thaoura » (« Brigades de défense de la révolution »), avaient tiré et lancé des grenades par les trappes situées au-dessus des immenses cellules.
« Je n’ai pas pu commencer de nettoyer tout de suite car j’étais trop abîmé par les précédentes tortures. Comme ils m’avaient arraché les ongles des pieds dans la prison précédente, je ne pouvais plus marcher », raconte-t-il d’une voix égale, sans aucune trace de colère ni d’amertume, comme s’il était parvenu à atteindre une certaine neutralité, à l’occasion d’un voyage à Paris.
Selon les chiffres de Human Rights Watch, cette tuerie massive, qui durera une grande partie de la journée, a fait entre 600 et 1 000 morts. Elle annonce l’actuelle guerre civile en Syrie.
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Sur la torture en Syrie, un témoignage extraordinaire, mi-récit, mi-fiction : La Coquille, du cinéaste Moustapha Khalifé (éditions Actes Sud, 2012), qui fut lui-même emprisonné à Tadmor. Et Les Portes du néant (Stock, 2016), récit de l’écrivaine Samar Yazbek.