
En Alsace-Moselle, la loi de 1905 sur la séparation de l’Eglise et de l’Etat n’est pas en vigueur, permettant à la mairie de Strasbourg d’adopter lundi une subvention pour la construction d’une nouvelle mosquée. Alexis Corbière, député LFI de la 7ème circonscription de la Seine-Saint-Denis, fustige cette décision et exhorte le gouvernement à réagir "en étendant la loi de 1905 aux départements où elle ne s’applique pas".
Pas facile d’être député de la majorité LREM et de rester cohérent. Il aura fallu à peine plus d’un mois pour que l’édifice bancal de la mauvaise loi, bien mal nommée, "confortant le respect des principes de la République" (dite aussi loi séparatisme) se fissure et que l’hypocrisie de ses promoteurs, le ministre de l’Intérieur et la ministre déléguée chargée de la citoyenneté, n’éclate au grand jour." L’affaire" de Strasbourg agit depuis quelques jours comme un puissant révélateur de la tartufferie gouvernementale.
La maire EELV de Strasbourg et sa majorité municipale ont voté, lundi dernier, le principe une subvention de 2,5 millions d’euros à Millî Görüs, une association musulmane très conservatrice d’obédience turque, pour la construction d’une nouvelle mosquée dans le quartier de la Meinau. (...)
Pour ma part, je considère qu’il n’est pas acceptable que de l’argent public aille à la construction d’un lieu de culte quel qu’il soit. Certes, en Alsace, ce n’est pas une nouveauté. A Strasbourg même, la ville a versé 22 millions pour les lieux de culte depuis 2008, toutes mandatures confondues, selon l’actuelle maire, élue en 2020. La précédente municipalité, dirigée par le PS, a participé notamment au financement de la construction d’une première grande mosquée dans cette ville, inaugurée à l’époque par Manuel Valls alors Premier Ministre, et autre grand hypocrite dans cette histoire. Diverses collectivités d’Alsace et de Moselle – dont les conseils départementaux dirigés par la droite - font de même. Ce qui n’enlève rien au problème. (...)
"Mais c’est permis par la loi", me dit-on. La loi de la République ? Non, pas exactement. Si le conseil municipal de Strasbourg peut voter une subvention à une religion, c’est que la grande loi laïque de 1905 qui a séparé les Eglises de l’Etat, ne s’applique pas dans le Bas-Rhin, le Haut-Rhin et en Moselle. Parce que ces trois départements étaient allemands de 1871 à 1918, et qu’une majorité réactionnaire et cléricale refusa d’y étendre la loi de Séparation quand ils redevinrent français, le concordat napoléonien se maintient jusqu’à aujourd’hui sur ces territoires.
Les curés, pasteurs et rabbins y sont des agents publics financés par les impôts de tous les Français pour un total de près de 65 millions d’euros chaque année. Les pouvoirs locaux continuent à pouvoir distribuer de l’argent public aux religions, non sans clientélisme électoraliste. Ce privilège maintenu depuis Napoléon pour les cultes catholique, réformé, luthérien et juif est aujourd’hui un peu élargi à l’islam, par souci d’équité me répond-on. Cela ne change rien à la gravité de l’atteinte au principe de séparation des Eglises et de l’Etat. (...)
Un gouvernement soucieux de "conforter" les principes républicains se saisirait du cas de Strasbourg pour prendre la mesure simple qui réglerait d’un coup le problème : étendre la loi de 1905 aux départements où elle ne s’applique pas. Son article 2 énonce que "la République ne reconnaît, ne salarie ni ne subventionne aucun culte" et interdit en conséquence tout financement public des religions. (...)