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Taxer les riches ? Quelle riche idée !
Article mis en ligne le 22 août 2011

Mercredi 17 août, les médias français ont eu vent d’une idée révolutionnaire : taxer les riches pour réduire le déficit public. Il fallait y penser. Et il fallait que ce soient les premiers intéressés qui y pensent pour que les grands médias s’en fassent l’écho et y trouvent un quelconque intérêt. Quelle riche idée, quand ce sont des riches qui la suggèrent... à des médias brutalement réveillés.

Taxer les riches ? En voilà une idée qu’elle est bonne ! Et nouvelle en plus. Une présentatrice d’I-Télé a parfaitement résumé la situation, jeudi 18 août : « C’est l’un d’eux qui a lancé l’idée, Warren Buffett. » Et le reportage qui suivait de confirmer : « L’idée a germé en Amérique... » En effet, jamais les militants de la gauche sociale et politique n’ont proposé, au cours de ces trente dernières années, d’augmenter les impôts des ménages les plus fortunés. Pour Libération, qui s’en empare enfin à la « une » (alors qu’elle a été à plusieurs reprises évoquée en d’autres temps, mais en pages intérieures), c’est d’ailleurs une « riche idée » (...)

Et Le Monde l’a trouvée tellement novatrice qu’il lui a consacré un éditorial. (...)

Que l’on ne se méprenne pas : M. Lévy ne propose pas un relèvement de l’impôt définitif. Sa contribution ne sera qu’« exceptionnelle ». Et elle ne sera consentie qu’en échange d’une politique néolibérale menée à son terme. Dénonçant « l’idée que les Français ont de l’Etat-providence et de l’assistanat », M. Lévy réclame « une vraie, une sérieuse, une profonde réforme de nos structures administratives et de nos systèmes sociaux », ainsi qu’une réduction sensible « des coûts des charges qui pèsent sur les salaires afin de regagner le terrain perdu et se donner les moyens de créer de la richesse et des emplois dans notre pays ».

« Réforme », « compétitivité », « assistanat »… la présence de ces termes choyés par les médias dominants explique que son discours ait été à ce point entendu et repris. Il fait semblant de proposer une idée neuve tout en réclamant la poursuite des politiques entamées il y a trente ans. M. Lévy est un publicitaire qui sait quel discours tenir pour préserver ses intérêts sans en avoir l’air. (...)

Il faut alors constater que, quelle que soit l’idée soumise à nos responsables politiques, les principaux médias français semblent ne s’intéresser qu’à l’avis de ceux qu’ils appellent « les décideurs ». (...)

Hormis quelques médias de parti-pris, les radios et les télévisions généralistes n’ont pas manifesté un entrain excessif pour donner directement la parole aux pauvres qui s’appauvrissent, lorsque, par exemple, le bouclier fiscal a été adopté... Il faut dire que « les riches », eux, ne s’étaient guère émus de cette mesure qui les favorisait.
(...)

il n’est peut-être pas anodin que Maurice Lévy – l’homme qui a trouvé tant d’écho avec cette « taxe pour les riches » – soit également une personnalité se trouvant très précisément à l’intersection entre les pouvoirs politiques, économiques et médiatiques. Que la « riche idée » puisse être, comme le souligne Arrêt sur images (Asi), « le premier fumigène de la rentrée » [4], incite à se demander pourquoi une petite cohorte des responsables de rédaction ont tenté d’illuminer le brouillard, en relayant la parole d’une petite cohorte de « super-riches » prophétiques. (...)

Ainsi, l’élite du journalisme des médias dominants aime par-dessus tout les propositions banales quand elles proviennent des autres cercles de la domination. Elle n’aime rien tant que les critiques, fussent-elles inoffensives, provenant de ceux qu’elles visent.
(...)

Ainsi émergent, du jour au lendemain, de « grandes questions », souvent dérisoires et toujours circonscrites au cercle critique constitué par les animateurs des débats et leurs partenaires, déterminé par ceux-là même qui sont tout à la fois l’objet et les animateurs du débat. Et c’est ainsi, également, que peu suggéreront que cette « taxe pour les riches » ne soit pas qu’exceptionnelle, et pas seulement destinée à « réduire le déficit », mais aussi durable et destinée à soutenir la justice sociale.(...) Wikio