
« Après l’abondance, le rationnement. » Après les vacances, la rentrée de Marschall et Truchot sur BFMTV. « Le mot rationnement a été lâché aujourd’hui par la Première ministre, rapporte Alain Marschall. Écoutez comment Élisabeth Borne a interpellé les chefs d’entreprise au Medef. » Attention, ça va faire mal : « Chaque entreprise doit se mobiliser et agir. J’appelle donc chacune à établir son propre plan de sobriété. » Ouille-ouille-ouille, ça va swinguer pour les entreprises. Olivier Truchot apprécie : « Le message est clair. — Ah oui, approuve l’éditorialiste Philippe Corbé. — Madame Borne dit aux patrons : “Si vous n’agissez pas, y aura rationnement.” » Du CICE ? Des prêts garantis par l’État ? Des 2 155 (!) aides publiques dont peuvent bénéficier les entreprises ? « Avant de parler des patrons, prévient Philippe Corbé, y a un mot qui est sur la table, le mot “rationnement”. Les Français n’ont pas souvent entendu des responsables politiques parler de rationnement. » Élisabeth Borne est vraiment très courageuse. « Le mot est là, elle l’emploie et peut-être qu’implicitement elle espère que les Français, sans avoir de mesures restrictives, vont peut-être penser différemment la manière dont ils consomment de l’énergie. » Ah, d’accord. Si la Première ministre menace les patrons de rationnement, c’est pour la forme, le but est en réalité de convaincre le petit peuple de renoncer à ses yachts et à ses jets privés. « Le mot est là, sur la table, et politiquement c’est déjà très, très fort. » Ma table n’en a pas supporté le poids, elle est pliée en deux.
« Ce qui est déjà bien, c’est qu’elle [Élisabeth Borne] dirige la responsabilité vers l’entreprise plutôt que vers les particuliers, apprécie Eva Sadoun, coprésidente d’Impact France. Ce qui me pose problème, c’est qu’on ne répartisse pas par responsabilité. Y a des secteurs qui sont à forte consommation énergétique. » Celui de l’ostréiculture, si j’en juge par les images illustrant cette analyse. « L’immobilier, c’est 50 % de la consommation énergétique. » Pas de souci, le gouvernement a prévu d’isoler au moins 352 bâtiments par an. « Y a le transport, l’agriculture. » Pas de souci, le gouvernement s’échine à dépecer la SNCF et promeut l’agriculture intensive. « C’est pour ça qu’il faut de la planification. » Pas de souci, le gouvernement a nommé François Bayrou haut-commissaire au Plan. « Il faudrait commencer par interdire la publicité… » Priver BFMTV de ses ressources ? Que vais-je devenir si je ne peux plus chroniquer ses coups sur ma tête ?
« Il faut aussi dire aux Français que ce changement vers la sobriété, il va pas seulement concerner les propriétaires de piscine, de jet privé, précise Roselyne Bachelot. Il va falloir qu’on change tous puisque 90 % des émissions de CO2 sont faites par 4 milliards de gens sur la planète. Donc y compris chez nous par des gens qui vivent de façon extrêmement modeste. » Vous avez compris, les pauvres ? Demandez le plein de symboles à la pompe à essence, branchez votre compteur sur l’intelligence d’Alain Duhamel, chauffez-vous pyschologiquement et donnez les quelques milliards que vous avez de côté aux actionnaires nécessiteux. Sinon, on va vous mettre un coup sur la tête. Il ne sera pas symbolique, Gérald Darmanin est là pour s’en assurer.
« En fait, il faudrait de la radicalité, estime Anna Cabana, qui s’y connaît en radicalité (de droite). Or Élisabeth Borne, elle en avait promis. Samedi, devant les cadres de Renaissance, elle a dit que c’est parfois le choix de la radicalité qui s’impose, ce sera le cas sur les enjeux écologiques et climatiques, c’est désormais la seule option. » La seule stock-option, comme on dit chez les patrons. (...)
« Les entreprises n’avaient pas besoin des menaces de la Première ministre, fustige Olivier Babeau, président du très ronflant Institut Sapiens (aussi libertarien qu’un Neandertal). Aucune entreprise ne dépense de l’énergie par plaisir. » Total n’extrait pas de gaz ni de pétrole par plaisir, encore moins pour faire des bénéfices. « Quand vous êtes dans l’aérien, l’aéronautique… » La location de jets privés… « Les efforts ont déjà été faits. Les nouveaux avions qui arrivent sur le marché permettent des économies de 15 % à 20 % de kérosène. » C’est décidé, j’arrête le vélo, j’achète un avion. (...)
La parole est à Fabrice Le Saché, porte-parole du Medef. « Si on veut aller sur des innovations de rupture, on aura besoin d’une baisse des impôts de production. » Par un heureux hasard, le gouvernement l’a justement prévue. « On a chiffré à 40 milliards d’euros par an pour parvenir à nos objectifs climat pour 2050. » Siouplaît, m’sieurs-dames, vous n’auriez pas quelques petits milliards pour aider de pauvres entreprises dans le besoin ? « On s’est battu pour qu’il y ait un réinvestissement dans la filière du nucléaire. Malheureusement, il va falloir du temps avant que les EPR sortent de terre. » Des dizaines d’années et de milliards d’euros, si l’on se fie à celui de Flamanville. Ça nous promet une transition énergétique vers 2080 – je me demande si ce n’est pas un peu précipité. (...)