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Médiapart
Tchad : l’ambassade de France s’active en coulisses pour calmer les contestataires
Article mis en ligne le 11 mai 2021

Officiellement, la France a (un peu) haussé le ton vis-à-vis de la junte qui a pris le pouvoir au Tchad, le 20 avril. Quelques jours après avoir adoubé publiquement son chef Mahamat Idriss Déby, Emmanuel Macron s’est fendu d’un communiqué pour condamner « avec la plus grande fermeté » la répression de manifestations par le nouveau régime. Au moins cinq manifestants avaient été tués dans les défilés condamnant la prise de pouvoir par un conseil militaire de transition hors de tout cadre constitutionnel.

Face aux critiques croissantes sur le choix du fils du défunt président Déby pour prendre la tête de cette transition, Emmanuel Macron avait également assuré qu’il était favorable à une « transition pacifique, démocratique et inclusive » et non « un plan de succession ».

C’est donc plutôt confiant que Mahamat Zene Cherif s’est rendu à l’ambassade de France, le mercredi 28 avril, invité par le conseiller de l’ambassade chargé des affaires intérieures. « Suite au revirement de Macron, nous avions beaucoup d’espoir », raconte le porte-parole du Forum des organisations de la société civile du Tchad (Foscit), opposant à la junte et partisan d’une transition civile.

Une heure d’entretien a douché ses espoirs. « Le conseiller nous a fait savoir que les manifestations n’aboutiraient à rien et que nous ferions mieux d’aller siéger dans les nouvelles instances. Qu’au lieu de faire des manifs on ferait mieux d’accompagner le CMT [conseil militaire de transition – ndlr]. On était très déçus, parce que, pour nous, la France était un modèle de démocratie », confie Mahamat Zene Cherif. (...)

Cet activisme, s’il n’est pas nouveau au Tchad, tranche avec les positions publiques d’Emmanuel Macron sur la nécessaire refondation des relations entre Paris et les pays du continent africain.

Contactée par Mediapart, l’ambassade dément toute pression, préférant qualifier ces rencontres de « contacts permett[a]nt de prendre en compte les points de vue divers de la société tchadienne ». (...)

Selon les huit témoignages recueillis par Mediapart, pourtant, la chancellerie ne s’est pas contentée de « clarifier » ses positions et de réaffirmer son soutien à la junte. Elle s’est posée comme interlocutrice privilégiée de cette dernière, endossant un étonnant rôle d’intermédiaire. (...)

Deux autres représentants joints par Mediapart affirment qu’il ne leur a pas été demandé explicitement de suspendre les manifestations mais que c’est ce qu’ils ont tout de même retenu de la position française, à l’image du président de la Ligue tchadienne des droits de l’homme, l’avocat Max Loalngar : « Je ne dirais pas que le conseiller qui m’a reçu ait contesté notre droit à manifester. Mais il a semblé nous appeler à la pondération. C’était, comme d’habitude, un langage très diplomatique : “C’est votre droit de manifester, mais laissez une chance au gouvernement…” » Le même conseiller a rappelé l’avocat deux jours plus tard afin, semble-t-il, de connaître ses intentions et celles de son mouvement pour les journées de mobilisation à venir. (...)

Les ingérences françaises sur la scène politique tchadienne ne sont pas nouvelles. Elles tranchent néanmoins avec les promesses – répétées – de refondation des relations avec le continent africain du président Macron. (...)