
Les avions de chasse français auraient conduit une « vingtaine de frappes » et détruit autant de véhicules, au risque de faire apparaître Paris comme le protecteur d’un régime prédateur et corrompu.
La France sauve-t-elle une fois encore le soldat Déby ? A plusieurs reprises depuis dimanche 3 février, Paris a en effet lancé ses Mirage 2000, basés à N’Djamena, pour bombarder une colonne rebelle de l’Union des forces de la résistance (UFR) venue du sud de la Libye, et que l’armée tchadienne ne semblait pas en mesure de pouvoir stopper. (...)
Ainsi, en 2006 puis en 2008, Idriss Déby Itno résista à de folles épopées lancées contre lui depuis le Soudan voisin. Certes, la France apporta un appui décisif. Mais pas en puissance de feu. L’assistance se mesura en termes logistiques, de renseignement et d’organisation tactique auprès des forces loyalistes pour défendre N’Djamena et sauver le régime. Ces jours-ci, l’implication de Paris se fait beaucoup plus voyante, létale et totalement assumée.
Un communiqué de l’état-major français des armées, diffusé mercredi 6 février, reconnaît ainsi que « du 3 au 6 février 2019, des Mirage 2000 des forces armées françaises sont intervenus [dans le] nord-est du Tchad, en coordination avec l’armée tchadienne, de façon à contrer l’incursion d’une colonne armée en territoire tchadien ». (...)
Officiellement, les deux pays sont liés par « un accord de coopération militaire technique » qui remonte à 1976 et ne permet pas aux militaires français d’intervenir directement. Sauf si on le leur demande… En d’autres lieux, c’est ce que fit le président du Mali, en janvier 2013, pour permettre le lancement de l’opération militaire française « Serval » contre les groupes djihadistes, qui contrôlaient alors la moitié du pays.
Au Tchad, les Mirage 2000 utilisés ces derniers jours sont engagés dans le cadre de l’opération « Barkhane ». Son quartier général est basé à N’Djamena, mais son objectif est la lutte contre les groupes terroristes armés et djihadistes au Sahel. Et non les rebelles tchadiens de l’UFR. Cette discordance, loin de les embarrasser, semble arranger les autorités locales. (....)
dans ce pays de guerriers, le bruit des kalachnikovs a davantage rythmé la vie politique que celui des campagnes électorales. Les groupes armés font en quelque sorte partie du paysage. Et les reconversions d’anciens chefs de guerre dans le monde politique sont légion. Idriss Déby, lui-même, a conquis le pouvoir par les armes en 1990, à la tête d’une rébellion partie du Darfour soudanais, frontalier du Tchad.
L’opposition tchadienne ne s’y trompe pas. Tout en précisant que « la guerre n’a jamais résolu les problèmes de [son] pays », l’Union nationale pour le développement et le renouveau (UNDR) a ainsi jugé « inadmissible (…) cet amalgame fait par le gouvernement [qui] veut assimiler toute opposition au terrorisme ».
Par ricochet, la France apparaît ainsi aux yeux de nombreux Tchadiens comme la protectrice d’un régime prédateur et corrompu, alors que la population se débat dans la misère, sans espoir de voir émerger un semblant de démocratie.
« L’incompréhension, le mécontentement contre la France est général » (...)
Depuis la mort, en 2011, de son « voisin », Mouammar Kadhafi, suivi de l’effondrement de la Libye, Idriss Déby n’a eu de cesse d’attirer l’attention des pays occidentaux sur les risques que cela représentait pour la stabilité de la région. La guerre au Mali, dès 2012, puis ses débordements récents au Niger et au Burkina Faso lui ont donné raison. Il savait aussi pertinemment que certains des groupes rebelles originaires de son pays se refaisaient une santé dans le chaos et les trafics prévalant dans le Sud libyen, tel l’UFR.
Les voilà donc de retour. Jusqu’où pourront-ils aller ? Car ce mouvement armé reconnaît que les frappes aériennes françaises ont causé des « dégâts matériels et humains importants ». (...)