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Mediapart
TotalEnergies inonde la France de gaz russe
#guerreenukraine #sanctions #profits #gaz
Article mis en ligne le 5 mars 2023
dernière modification le 4 mars 2023

Un an après le début de la guerre en Ukraine, l’Union européenne (UE) a réussi à réduire drastiquement ses importations de gaz russe par pipeline. Selon les derniers chiffres, elles ont chuté de 74 % au troisième trimestre 2022 par rapport à la même période en 2021. Avant le conflit, 40 % du gaz consommé en Europe était russe.

Afin de pallier cette réduction, la Commission a proposé dès mars 2022 de diversifier les sources d’approvisionnement du « vieux continent », notamment « grâce à une augmentation des importations de gaz naturel liquéfié » issu « de fournisseurs non russes ». (...)

En conséquence, les pays de l’UE ont signé à la hâte des contrats d’approvisionnement avec les États-Unis et le Qatar, grands producteurs mondiaux de GNL, et ont annoncé la construction d’une trentaine de terminaux d’importation de gaz liquéfié.

Mais paradoxalement, la Russie est devenue en 2022 le deuxième fournisseur de GNL pour les pays européens, d’après des données de la Commission compilées par Les Amis de la Terre. Les importations de GNL russe en Europe ont même augmenté de 46 % entre janvier et septembre 2022 par rapport à la même période en 2021. (...)

Cette absurdité s’explique par le fait que s’il existe un embargo sur le charbon et le pétrole russes, aucune sanction n’est encore prévue pour l’importation de gaz russe. En outre, la forte diminution des achats de gaz russe importé par pipeline s’est imposée de facto à la suite des problèmes de maintenance côté russe et au sabotage des gazoducs Nord Stream en septembre 2022.

La France accro au GNL russe (...)

Pour se fournir en GNL russe, l’État français s’appuie sur TotalEnergies. La multinationale énergétique détient en effet des actifs russes dans le secteur gazier. (...)

En 2022, Yamal LNG a même enregistré un record de production, avec 21 millions de tonnes de GNL exportées. Selon les données du trafic des méthaniers recueillies par Bloomberg et analysées grâce à des experts, un quart de cette production a été exporté directement vers la France – le deuxième importateur étant la Chine (23 %).

En comparaison, d’après les mêmes données, la Grande-Bretagne a stoppé toute livraison de gaz depuis Yamal GNL dès le déclenchement de la guerre en Ukraine. (...)

Des dividendes « tachés de sang » (...)

« Pour Kyiv, ces dividendes de TotalEnergies sont “tachés de sang” et devraient être récupérés pour assurer la “reconstruction de l’Ukraine” », a récemment rappelé l’économiste Maxime Combes. Or « les pays européens n’ont pas interdit à leurs entreprises de toucher des dividendes en Russie ».

Quant au GNL, il est extrêmement néfaste pour le climat. (...)

Le 8 février dernier, jour de l’annonce par TotalEnergies d’un bénéfice net record de 19,1 milliards d’euros pour l’année 2022, Patrick Pouyanné, le patron du groupe, a lâché lors d’un échange avec les investisseurs que le contrat à long terme de fourniture de GNL était « une source de cash assez importante ».
Une arme géopolitique contre l’UE

En juin 2022, Patrick Pouyanné confiait dans un entretien donné à Ouest-France que « ce sont les autorités européennes qui [leur] ont demandé de continuer à fournir les consommateurs européens car ils ne peuvent pas encore s’en passer ».

Contactés par Mediapart, ni la Commission européenne ni le ministère de la transition énergétique n’ont voulu réagir à cette affirmation du PDG de TotalEnergies. (...)

Le 24 février dernier, jour du premier anniversaire de l’invasion russe en Ukraine, les pays membres de l’UE ont approuvé un dixième train de sanctions pour tenter d’affaiblir Moscou. Aucune d’entre elles ne concernait le gaz russe. (...)