Bandeau
mcInform@ctions
Travail de fourmi, effet papillon...
Descriptif du site
Acrimed
Tout ne s’explique pas par l’appropriation des grands médias par des milliardaires, mais rien ne s’explique sans.
Réponse à Jean-Michel Aphatie, éditocrate clownesque de la « presse libre »
Article mis en ligne le 27 décembre 2019

On le sait : Jean-Michel Aphatie ne tolère aucune critique contre les médias dominants. Critiquez le rôle des médias lors des élections, il aboie. Critiquez le rôle des médias pendant les mobilisations sociales, il aboie. Critiquez le rôle des gardiens du temple médiatique, il aboie. Et lorsqu’il arrive au journal d’un milliardaire de publier des « révélations » qui dérangent d’une manière ou d’une autre le pouvoir en place – ce que personne ne nie – l’occasion est trop belle de prendre à partie ceux qui critiquent les médias. Tel fut le cas au moment de « l’affaire » Delevoye.

La critique des médias déclarée illégitime

Ainsi du Parisien, qui, avec d’autres, a rendu publiques des informations sur les fameux et multiples « oublis » de Jean-Paul Delevoye. Les publications se sont succédé au rythme des enquêtes, les enquêtes ont exercé une pression sur le gouvernement – amplifiée par les opposants politiques ou certains syndicalistes – et ont contribué, in fine, à la mise en retraite anticipée du haut-commissaire aux retraites.

Ni une ni deux, Jean-Michel Aphatie – qui n’a, à notre connaissance, aucun lien avec ces enquêtes (manque de temps sans doute, au vu de celui passé à « commenter » sur LCI et sur les réseaux sociaux) – dégaine un tweet ravageur contre les « fourbes » et les « agitateurs » : (...)

Cette ode à la presse n’a pas manqué de surprendre, en premier lieu… Catherine Gasté, autrice de l’article du Parisien ! Comme nous, elle avait entendu Aphatie sur LCI au soir des premières révélations : ce dernier déplorait alors « l’intégrisme » d’une société qui serait trop à vif sur le sujet des conflits d’intérêt. Intégrisme qui devint même, par la magie d’un autre tweet, un « poujadisme ambiant » !

Face à ces commentaires, Catherine Gasté ose une critique. Et Aphatie réplique. Car même venue du sérail, la critique ne passe pas (...)

- Catherine Gasté : Tiens, c’est vous cher Jean-Michel Aphatie qui le lendemain de mes révélations parlait d’une vision intégriste des choses… Merci quand même pour ce tweet.

- Jean-Michel Aphatie : Alors, je répète. J’ai dit que l’oubli était un problème et je maintiens que pour les conflits d’intérêt nous sommes des intégristes. Delevoye démissionne davantage pour les premiers que pour les seconds.

- Catherine Gasté : Qu’en savez-vous ? Pour y répondre il faut enquêter… notre rôle !

- Jean-Michel Aphatie : Ça va le melon ?

- Catherine Gasté : Piqué au vif ? [1]

Sans doute piqué au vif, oui. Car dès qu’on parle d’enquête, Jean-Michel Aphatie est irritable. (...)

En tant qu’association « fourbe » assumant une position d’ « agitateur de bazar », nous tenions à répondre au réquisitoire – petit hoquet de tweets – de Jean-Michel Aphatie contre la critique des médias…

Cher Jean-Michel Aphatie,

Tout ne s’explique pas par l’appropriation des grands médias par des milliardaires.

Des journalistes ont toujours essayé de faire, autant que faire se peut, leur travail. Même – avec des difficultés supplémentaires – dans des médias appartenant à des grands groupes industriels ou financiers. Et si les exemples de censures, d’auto-censures ou de pressions (politiques ou économiques) sont légion, elles révèlent surtout les limites de ces appropriations structurelles.

Parfois, les rédactions en chef sont contraintes par des rapports de force, ou soutiennent leurs journalistes pour publier des révélations sur les actions illégales d’élus – parfois amis de leur propriétaire. D’autres fois non. Mais ces révélations – conjoncturelles – n’empêchent pas ces rédactions, dans leur immense majorité, d’épouser les thèses des propriétaires des médias.

Leurs lignes, fixées par des chefferies éditoriales et défendues par des éditocrates sont en accord avec les intérêts de leurs propriétaires... et de facto avec ceux du gouvernement : privatisation, libéralisation, réduction des dépenses publiques, accompagnement du moins-disant social à l’origine des détériorations systématiques des conditions de travail et des droits des travailleurs, etc.

Mais, cher Jean-Michel, ne vous y trompez pas : point de complot du CAC 40 pour diriger la presse ! Nul besoin de marionnettes politiques chapeautant en continu les pages des journaux, les écrans ou les grilles des radios ! Juste des convergences d’intérêts. (...)

Mais vous en conviendrez : les révélations du Parisien n’empêchent pas au journal de Bernard Arnault d’exprimer depuis le premier jour de décembre son amour de la « réforme ». Dès lors, la grève est vue par la rédaction en chef sensiblement de la même façon que par Bernard Arnault : comme une nuisance. (...)

intérêts convergents. Mais qui n’excluent en rien l’autonomie – relative – de quelques journalistes qui n’occupent pas le devant de la scène, et dont les marges de manœuvre restent bien maigres. Et c’est bien là la moindre des choses, comme l’expliquait jadis votre cher confrère Franz-Olivier Giesbert : « Je pense que tout propriétaire a des droits sur son journal. Il a, lui, le pouvoir. Vous parliez de mon pouvoir. Enfin mon pouvoir, excusez-moi, c’est une vaste rigolade ! »

Alors cher Jean-Michel Aphatie, tout ne s’explique pas par l’appropriation des grands médias par des milliardaires, mais rien ne s’explique sans. (...)