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Mediapart
Trafic d’antiquités : la mise en examen de Jean-Luc Martinez vire à l’affaire d’État
Article mis en ligne le 5 juin 2022
dernière modification le 4 juin 2022

Selon nos informations, le ministère de la culture lance une mission sur le trafic de biens culturels. Le gouvernement a en outre décidé de suspendre une partie des missions d’ambassadeur chargé de la coopération dans le domaine du patrimoine de Jean-Luc Martinez.

À peine installée rue de Valois, la nouvelle ministre de la culture, Rima Abdul-Malak, a eu à traiter un sujet brûlant. Comme l’a révélé Le Canard enchaîné, Jean-Luc Martinez, l’ancien directeur du musée du Louvre, a été placé en garde à vue lundi 23 mai, puis mis en examen mercredi 25 mai pour « blanchiment et complicité d’escroquerie en bande organisée ». Il est soupçonné d’avoir permis l’acquisition en 2016 par le Louvre Abu Dhabi, pour un montant de 15,2 millions d’euros, d’antiquités égyptiennes volées. Ces objets avaient été achetés par l’entremise du marchand d’art allemand Roben Dib et de l’expert français Christophe Kunicki, un binôme déjà épinglé pour la vente d’un sarcophage, lui aussi pillé, au Metropolitan Museum de New York, restitué en 2019 par les autorités américaines à l’Égypte.

Si cette affaire embarrasse tant le gouvernement, c’est parce que, depuis sa non-reconduction à la tête du Louvre en 2021, Jean-Luc Martinez occupe un poste d’ambassadeur chargé de la coopération internationale dans le domaine du patrimoine. Une fonction créée ex nihilo, rattachée au Quai d’Orsay ; « un parachute doré », persifle un responsable du musée du Louvre, désormais dirigé par Laurence des Cars. Selon nos informations, le gouvernement suspend à titre conservatoire la partie de la mission de Jean-Luc Martinez liée à la lutte contre le trafic de biens culturels. En outre le ministère de la culture s’apprête pour sa part à lancer une mission sur le trafic de biens culturels (...) C’est la première fois que la Rue de Valois s’investit directement sur ce terrain. (...)

S’il fallait éteindre au plus vite l’incendie, c’était aussi pour ménager l’émirat d’Abu Dhabi. Lundi 30 mai, le Louvre Abu Dhabi a annoncé qu’il se constituait partie civile. « Si les faits sont avérés, le Louvre Abu Dhabi est la principale victime », nous dit Jean-Jacques Neuer, avocat du Louvre Abu Dhabi. (...)

Paris est d’autant plus soucieux d’apaiser les relations avec Abu Dhabi que les Émirats arabes unis sont l’un de ses principaux clients en matière de ventes d’armes. En décembre dernier, un contrat a été conclu portant sur la fourniture de quatre-vingts avions Rafale, pour un montant de 16 milliards d’euros. Et à cette occasion, l’accord de coopération avec le musée du Louvre, signé en 2007, a été prolongé jusqu’en 2047. Culture et armes sont totalement imbriquées. (...)

Une question se pose désormais : le Louvre Abu Dhabi va-t-il restituer les objets, obtenus de manière illicite, aux autorités égyptiennes ? (...)

Cette affaire de trafic d’antiquités vient assurément jeter un regard encore plus trouble sur le mandat de Jean-Luc Martinez à la tête du Louvre. Ce n’est pas la première fois que se pose avec lui la question de la provenance des acquisitions. (...)

Mais comment s’est exactement passé le processus d’acquisition des antiquités égyptiennes aujourd’hui dans le viseur de la justice ? Les versions se contredisent, les échelons interfèrent… (...)