Bandeau
mcInform@ctions
Travail de fourmi, effet papillon...
Descriptif du site
Basta !
Travailler autrement grâce aux coopératives, une innovation sociale soutenue par la gauche et ignorée par la droite
Article mis en ligne le 6 avril 2017

Les coopératives de salariés étaient à l’honneur de la précédente campagne présidentielle. Elles incarnaient un rempart face à la rapacité des marchés financiers : partage plus équitable des bénéfices, gouvernance participative, écarts de salaires limités, meilleure résistance que les entreprises classiques… Cinq ans plus tard, les coopératives sont plus nombreuses et embauchent proportionnellement davantage que leurs homologues capitalistes. Mais elles ont quasiment disparu du débat politique. Seuls les programmes de Benoît Hamon, auteur d’une loi sur l’économie sociale et solidaire, et de Jean-Luc Mélenchon, encouragent clairement ce modèle encore marginal. Revue de ce que proposent – ou pas – les candidats en la matière, qui sont invités ce 6 avril à s’exprimer devant le secteur de l’économie sociale et solidaire.

53% de hausse en dix ans : le nombre de sociétés coopératives et participatives (Scop – anciennement « sociétés coopératives ouvrières de production ») et de sociétés coopératives d’intérêt collectif (Scic) ne cesse de progresser en France. Appropriation du capital par les salariés, partage plus équitable des bénéfices, gouvernance participative, écarts de salaires limités, emplois pérennes… Le modèle coopératif replace l’humain au centre de l’entreprise. Il séduit aussi par sa capacité de résistance : selon l’Insee, 65% des Scop sont toujours debout cinq ans après leur création, contre seulement 50% pour l’ensemble des entreprises françaises.

Pourtant, avec moins de 3 000 entreprises coopératives, employant 51 000 salariés – sur 15 millions de salariés au total, des micro-entreprises aux grandes entreprises – les coopératives de production demeurent ultra-marginales dans l’économie hexagonale, dominée par la structure capitalistique classique, où les détenteurs du capital et non les salariés possèdent l’entreprise. Alors, comment sortir les Scop de l’ombre ? (...)

Chez les Insoumis, priorité au droit de préemption

Que proposent les candidats à la présidentielle pour soutenir le mouvement coopératif ?

Parmi les cinq « favoris » des sondages, seuls Jean-Luc Mélenchon et Benoît Hamon abordent la question dans leur projet. Le candidat de la France insoumise remet sur la table une vieille doléance : l’instauration d’un droit de préemption des salariés en cas de cession de leur entreprise. La loi Hamon du 31 juillet 2014 avait accouché d’un droit d’information des salariés sur les possibilités de reprise de leur entreprise. Insuffisant, selon François Longérinas, en charge du dossier auprès du fondateur du Parti de gauche : « Il faut amender la loi car aujourd’hui les salariés ne sont pas prioritaires pour reprendre leur entreprise. Nous voulons qu’en cas de délocalisation il y ait un droit de véto suspensif qui dépasse le droit d’information. Il faut donner la priorité aux salariés sur tout investisseur. »

Chargée des questions d’économie sociale et solidaire (ESS) au PCF, Sylvie Mayer fait remarquer qu’un droit de préemption est déjà inscrit dans la loi Hamon. Mais seulement pour les coopératives de commerçants (Leclerc, Système U, Intersport…), bien différentes des coopératives de salariés. « Quand un membre de la coopérative vend son magasin, il a obligation de le présenter aux autres membres de la coopérative », explique-t-elle. De même, note Benoît Borrits, de l’association Autogestion, « le droit de préemption n’a rien de révolutionnaire. Il existe déjà dans le domaine de l’immobilier ou des terres agricoles. »

Chez Hamon, « pacte d’intérêt général » et programme d’investissement

« Permettre aux salariés d’être prioritaires » en cas de cession de leur entreprise, Antoinette Guhl, soutien de Benoît Hamon y est « évidemment » favorable. Sans toutefois préciser comment le candidat socialiste compte s’y prendre. (...)

Chez Macron, encore et toujours, « libérer les énergies »

Qu’en dit Emmanuel Macron ? Rien, si l’on s’en tient à son programme rendu public le 2 mars. Pas un mot sur l’économie sociale et solidaire. (...)

Au FN, « nouvelle alliance entre travail et capital »

Au moment même où le programme du candidat d’En marche ! sortait de l’ombre, Marine Le Pen tenait une conférence à Paris sur le rôle de l’État dans l’économie. Une manière pour elle de masquer la faiblesse de ses propositions en matière de soutien à l’économie sociale. La candidate du « patriotisme économique » y exprime sa volonté qu’« un Français sur deux devienne actionnaire direct d’une entreprise française ». Son but : « Conclure une nouvelle alliance entre les Français et l’entreprise, entre le travail et le capital. » Dans son discours, Marine Le Pen affiche « un engagement résolu aux côtés [des] entreprises mutuelles et coopératives, pour que les parts sociales soient pleinement reconnues comme des fonds propres, pour qu’aucune distorsion ne vienne les pénaliser, de sorte qu’elles jouent pleinement leur rôle territorial, social et solidaire. » Objectif ultime : « la reconquête des territoires perdus de la France ! ».

Comment croire à ce discours après avoir lu le programme économique officiel de la candidate frontiste ? Baisse des taxes et des charges sociales sur les PME, remise en cause des institutions représentatives du personnel... On est bien loin de la démocratie d’entreprise défendu par le mouvement coopératif. Cadres et élus frontistes sont, d’autre part, très hostiles à l’économie sociale et solidaire (lire notre article : Quand le FN préfère le bon vieux capitalisme à l’économie sociale et solidaire, trop « branchée » à son goût).

Fillon aux abonnés absents

Les zones d’ombre du quinquennat Hollande

Quel que soit le prochain locataire de l’Élysée, des obstacles de taille devront être levés pour permettre le développement du secteur. Parmi eux, l’accord national interprofessionnel (ANI), signé en janvier 2013, qui empêche les salariés de contester un plan social. Symbole de la lutte contre les délocalisations, les ex-Fralib avaient fait annuler trois plans sociaux devant la justice avant de pouvoir créer leur Scop. « Ce ne serait plus possible aujourd’hui », estime Benoît Borrits. De même, la loi Florange, qui oblige les grandes entreprises à chercher un repreneur quand elles abandonnent un site de production, « n’a jamais été appliquée », regrette le co-animateur de l’association Autogestion.

Ces dernières années, nombre de PME ont mis la clé sous la porte malgré un projet de reprise en Scop économiquement viable. Dernier exemple en date : Ecopla, fabriquant de barquettes en aluminium dans l’Isère. (...)