Bandeau
mcInform@ctions
Travail de fourmi, effet papillon...
Descriptif du site
Basta !
Tués par la police : pourquoi le recensement de basta ! est différent de celui de l’IGPN
#violencespolicieres #basta #igpn
Article mis en ligne le 10 juillet 2023

Les inspections générales de la police et de la gendarmerie rendent public depuis 2018 un recensement des particuliers tués au cours d’une mission, similaire à la classification initiée par basta ! en 2014. Notre approche reste cependant différente.

Les chiffres de basta ! (...) sont à prendre avec des pincettes, car ce site est clairement classé à gauche. » Ainsi parle-t-on de notre base de données sur les interventions policières létales sur la radio info du service public, France info (le 30 juin). La mort du jeune Nahel à Nanterre a rouvert le débat sur certaines modalités d’action de la police et sur les chiffres de ses interventions létales que nous publions chaque année. Toute méthodologie de recensement que nous avons d’ailleurs détaillée, ou analyse tirée de nos chiffres sont évidemment critiquables, mais disqualifier un travail d’enquête de cette manière, sous prétexte de nos partis pris éditoriaux – et oui, nous traitons de l’actualité sociale et écologique ! – n’est pas recevable. D’autant que la seule autre source existante en capacité de publier ce type de données est... le ministère de l’Intérieur. Et depuis peu.

Lorsque Basta ! a commencé à recenser les interventions policières létales, en 2014, aucune donnée, ni officielle ni indépendante, n’était rendue publique sur ce sujet. Quatre ans après notre premier article, et la création de notre base de données, l’Inspection générale de la police nationale (IGPN) a publié son « recensement des particuliers blessés ou décédés » en 2018.

Le détail des affaires prises en compte par l’IGPN n’est cependant rendu public qu’à partir de l’année 2020. L’Inspection générale de la gendarmerie nationale (IGGN) fait de même en 2021. La publication de ces informations par les deux instances de contrôle de la police nationale et de la gendarmerie nous a permis de vérifier et de compléter certaines de nos données. (...)

En 2021, L’IGPN compte 37 personnes décédées et l’IGGN 10. Soit 47 morts du fait des deux corps de maintien de l’ordre public. De notre côté, nous en dénombrons 52. Quatre décès n’ont pas été recensés par les deux inspections générales qui prennent pourtant en compte des cas similaires. Il s’agit d’un garçon de 14 ans à Orchies (Nord) qui a refusé de s’arrêter alors qu’il roulait au volant de la voiture dérobée à sa tante. Suivi par la police, le garçon a paniqué avant de perdre le contrôle du véhicule et de s’encastrer contre un arbre. Nous recensons également le cas d’un homme qui se noie dans le Louet, près d’Angers, en fuyant la police qui le suspectait d’avoir volé des affaires dans un restaurant.

Même chose côté gendarmerie, qui n’a pas pris en compte certains cas, comme le décès de deux frères à Étampes (Essonne). Après avoir fui un véhicule de gendarmerie, les deux hommes ont emprunté une route à contresens avant d’emboutir un camion. L’hommage que leur avait rendu la ville avait fait polémique du fait de leur passé judiciaire. Autre cas : l’accident mortel ayant coûté la vie à un jeune de 17 ans, au motif d’un refus d’obtempérer à Montchanin (Saône-et-Loire), n’a pas non plus été référencé par l’IGGN, alors qu’un décès aux circonstances similaires, survenu à Jardres (Vienne), en juillet 2021 a lui été compté. (...)

Les descriptifs que nous réalisons sur chaque affaire tentent de s’en tenir aux faits, tout en prenant en compte d’éventuelles versions contradictoires entre la version policière, celle de témoins de la scène et ce que montrent les images vidéo, si elles existent.
Mort à cause de sa rébellion ou d’un geste d’immobilisation brutal ?

Cela nous permet dans un second temps d’interroger la légitimité ou non de telle action dans nos analyses et enquêtes. Le traitement choisi par l’IGPN est bien moins neutre. Dans le cas de Cédric Chouviat par exemple, décédé le 3 janvier 2020 lors d’un contrôle routier, l’institution évoque un décès en « rapport avec l’usage de la force physique lors d’une interpellation ». Et précise : ce livreur se « rebellait, puis faisait un malaise suivi d’un arrêt cardiaque lors de son interpellation ». L’IGPN omet de mentionner la clef d’étranglement subie par le quadragénaire ainsi que son plaquage au sol. Le Monde ou Mediapart ont révélé que sa « rébellion » relevait davantage d’un échange tendu avec les agents que d’une réelle agressivité à l’encontre des forces de l’ordre. Idem pour la mort de Merter Keskin, répertoriée par l’IGPN comme un « décès liés à l’état de santé et aux addictions dont souffrait la personne », car l’autopsie parle d’une « intoxication potentiellement létale à la cocaïne ». Le plaquage ventral opéré sur Merter Keskin dans sa cellule par les policiers pendant trois minutes et demie n’est pas évoqué.

Notre recensement ne classifie pas les cas mortels en fonction de la responsabilité présumée de la victime dans son décès. L’IGPN s’autorise pour sa part à avancer « que dans bien des cas le comportement du particulier a été déterminant ». C’est à la justice, en cas de procès, de déterminer les responsabilités. L’institution compte sept personnes décédées « à la suite de leur comportement ». (...)

Un recensement de l’IGPN utile mais également critiquable

Le comportement irresponsable d’une personne pendant une tentative d’interpellation ne dédouane en rien les policiers et gendarmes de poursuites judiciaires. Même en cas de suicide lorsque l’appréhendé est sous la responsabilité des forces de l’ordre. (...)