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Tunisie A Gafsa, berceau de la révolution, les richesses s’en vont, la pollution reste
Article mis en ligne le 4 avril 2013

C’est dans le bassin minier de Gafsa, au centre de la Tunisie, que tout a commencé. Les citoyens, fatigués de se voir confisquer la richesse générée par l’exploitation du phosphate, descendent dans la rue début 2008. Et y restent, malgré la violente répression. Cinq ans et une révolution plus tard, ils poursuivent le combat. Considérant que leurs aspirations à plus de justice et au partage des richesses n’ont pas été satisfaites, et alors qu’ils subissent les conséquences environnementales de l’extraction minière.

(...) « La Tunisie chuchotait encore que nous étions déjà à crier, hurler notre colère ». Pour Alaa, jeune chimiste, être originaire de Redeyef est une grande fierté. Pour rentrer chez lui, au cœur du bassin minier de Gafsa, il faut rouler pendant plus de cinq heures, depuis Tunis. C’est ici, il y a cinq ans, qu’a germé la Révolution tunisienne qui a renversé Ben Ali. « C’était au mois de janvier, en 2008, retrace Alaa. La Compagnie des phosphates de Gafsa (CPG), seule industrie de la région et principale source d’emplois, a publié les résultats truqués d’un concours de recrutement. Ce n’était pas la première fois. Mais nous avons décidé que ce serait la dernière ! »

Un mouvement social précurseur

« Dignité, travail, liberté » : les slogans clamés à Gafsa deviendront trois ans plus tard ceux de la Révolution tunisienne. (...)

Cinq ans plus tard, qu’en est-il de ce mouvement social précurseur, et de ses revendications, dans une Tunisie en pleine transition ? (...)

« On passe de 14 000 ouvriers dans les années 80 à moins de 5 000 aujourd’hui », détaille l’économiste. La productivité augmente et le taux de chômage explose. Dans le bassin de Gafsa, 24 % de la population active est sans emploi (contre 17 % au niveau national). Ce taux grimpe jusqu’à 50 % chez les jeunes diplômés. L’offre de services se délite peu à peu. « Chez nous, il n’y a rien ! », résume Rifqa Issaoui, présidente de la toute jeune association des femmes minières (AFM). « Nous n’avons pas de routes, ni de services publics. » Aucun bureau de la compagnie nationale de télécommunication à l’horizon. Pas d’administration. Ni de tribunal de première instance. Et il faut faire 200 kilomètres pour trouver le premier hôpital. « Nous vivons dans la misère alors que notre région est source de richesses pour le pays. C’est injuste. » Le phosphate représente 13 % des exportations tunisiennes. Bref, une région riche en ressources mais sinistrée socialement. (...)

Les citoyens de Gafsa, qu’ils soient militants, syndicalistes, jeunes chômeurs ou mères au foyer, sont décidés à poursuivre la lutte. Jusqu’à ce que leur soif de justice et de dignité soit satisfaite. « Nous nous battrons encore et encore » , lancent les femmes de la région. Intervenant dans un atelier du Forum social, Khadra, voile serré sur la tête, regard vif et déterminé, dit d’une voix claire et forte « ce gouvernement est arrivé après un “dégage”, et il repartira avec le même slogan ! » Gafsa la rebelle n’a pas dit son dernier mot.