Comment expliquer la vigueur des mobilisations ayant lieu -depuis plusieurs mois dans le sud tunisien ?
Le sud tunisien est secoué de manière récurrente ces dernières années par des mouvements sociaux. Celui de la région de Tataouine est de loin le plus radical et le plus massif. Cela s’explique par plusieurs facteurs. Tout d’abord par la crise économique qui persiste depuis sept ans et qui est particulièrement grave dans le sud. Celle-ci combine le grippage du système en place après la révolution et les effets de la guerre civile en Libye, car la région de Tataouine a traditionnellement de fortes relations d’échanges économiques avec ce pays frontalier.
Ensuite l’incapacité des gouvernements successifs à soulager le poids de la crise sociale, notamment le chômage et le sous-emploi dans la région qui sont parmi les plus élevés dans le pays.
Il convient de préciser qu’aux élections de 2011 et de 2014, la région de Tataouine avait voté massivement pour Ennahdha. Mais ce parti islamiste a largement déçu.
La campagne « Où est le pétrole » a certainement nourri la mobilisation de ces jeunes chômeurs : cette région produit environ le tiers du pétrole tunisien, mais cela ne leur a bénéficié en aucune manière. (...)
La popularité des mobilisations à Tataouine a mis le gouvernement en grande difficulté. L’annonce de mesures anticorruption au lendemain de la mort d’un manifestant a permis de faire passer momentanément la lutte du sud tunisien au second plan. Le gouvernement a vu sa popularité immédiate remonter en flèche.
Mais rapidement, le doute a pris le dessus. Depuis ces arrestations, il ne s’est en effet pas passé grand chose. Le gouvernement a très peu communiqué à ce sujet. Il est difficile de comprendre ce qu’il va faire. On ne sait pas quelles sont les accusations retenues, si des réseaux ont été démantelés. Il n’est pas exclu que dans quelques semaines certaines de ces personnes arrêtées soient remises en liberté.
Où en est la dette tunisienne ?
La dette a explosé après janvier 2011. Elle est passée de 40,5 % du PIB en 2010 à 64,7 % en 2017.
Cet argent n’a pas été utilisé pour développer l’économie, financer des mesures sociales ou améliorer les services publics. Il a au contraire été utilisé pour tenter de sauver l’économie néocoloniale.
Ce système est en effet accro à la drogue des monnaies fortes. La dette a compensé la forte baisse des autres sources de devises comme par exemple le tourisme ou l’exportation de phosphates.
Le groupe Carrefour, qui est devenu hégémonique dans la grande distribution, réalise par exemple son chiffre d’affaires en dinars tunisiens. Mais il a besoin de devises fortes pour payer ses importations et rapatrier ses bénéfices.
Une première conséquence de l’ampleur croissante de la dette est que le gouvernement n’a plus aucune marge de manœuvre envers la Banque mondiale, le FMI et les États impérialistes. Une seconde conséquence est que le montant du service de la dette correspond au budget d’une dizaine de ministères, dont ceux de la Santé, des Affaires sociales, de l’Emploi, etc.
Un projet d’audit de la dette a été déposé à l’Assemblée... mais celui-ci est toujours dans la pile des dossiers à traiter de la Commission des finances.(...)