À l’issue de la conférence internationale sur l’investissement, qui s’est tenue à Tunis les 29 et 30 novembre derniers, les gouvernements français et belge ont annoncé la conversion d’une partie de leurs créances sur la Tunisie en projets d’investissement, portant respectivement sur des montants d’un milliard et de trois millions d’euros. Pour le CADTM, ces conversions de dette représentent un cadeau empoisonné puisque les investissements ainsi financés seront décidés selon des critères de profitabilité pour les entreprises françaises et belges, et non selon les besoins de la population tunisienne.
Surtout, ces conversions sont assimilables à un blanchiment d’une dette largement odieuse – car amassée sous le régime autoritaire de Ben Ali – qui mériterait d’être purement et simplement annulée |1|. De plus, une coopération entre la Belgique et la Tunisie dans la gestion des flux migratoires a été annoncée en même temps que cette conversion de dette, laissant entendre que ces deux mesures étaient liées. (...)
le positionnement du gouvernement est effarant. Il indique que la résolution du Sénat belge n’a pas été mise en application car « le Club de Paris et les institutions financières internationales estiment que la Tunisie est capable de rembourser ses dettes » et car les autorités tunisiennes n’en ont pas fait la demande.
Or, c’est bien la reconnaissance du caractère odieux de la dette contractée par Ben Ali qui est intéressante dans cette résolution parlementaire, et qui doit légitimement conduire à une annulation des créances sur la Tunisie. De plus, le Club de Paris est un organe informel et la Belgique n’est nullement tenue de respecter ses orientations. Si les gouvernements tunisiens qui se sont succédé depuis la révolution n’ont pas réclamé de mesures significatives visant à s’attaquer au fardeau de la dette odieuse, ce sont pour les mêmes raisons que celles qui expliquent qu’ils n’ont pas adopté de politiques différentes de celles appliquées par Ben Ali et qui rompraient avec les diktats libéraux des institutions financières internationales et des gouvernements des puissances occidentales contre lesquelles le peuple tunisien s’est révolté en 2011.
Quant au caractère soutenable de la dette, rappelons que le FMI est désormais connu pour avoir formulé, entre 2010 et 2015, des estimations largement optimistes sur la dette publique grecque, sans cesse contredites au fur et à mesure que la crise s’approfondissait dans le pays en raison des interventions néfastes de la Troïka dont l’institution dirigée par Christine Lagarde est l’un des piliers. (...)
Le gouvernement belge veut non seulement blanchir une dette odieuse en la convertissant en projets d’investissement, mais conditionne en plus cette mesure à « l’organisation d’une politique de retour pour les migrants ». Pour le CADTM, il s’agit d’une mesure inacceptable. Nous réaffirmons notre soutien à la liberté de circulation et d’installation pour toutes et tous sans discrimination.
Enfin, le gouvernement a annoncé que les intérêts dus sur le capital des dettes ainsi converties seront comptabilisés dans l’aide publique au développement (APD) de la Belgique. Le CADTM dénonce cette hausse artificielle de l’APD par un simple jeu d’écriture comptable. Plus largement, le CADTM réclame l’arrêt des politiques enfermant la Tunisie dans des rapports de dépendance aux pays du Nord en général et à la France, la Belgique et l’Union européenne en particulier. (...)