
En Turquie, l’ordre du jour des tribunaux occupe souvent le devant de l’actualité. Et l’ordre du jour des journaux occupe souvent le banc des accusés. Le pays détient un triste record : 95 journalistes et distributeurs de presse en prison, selon le décompte de l’agence Bianet. La moitié du contingent mondial de journalistes détenus. La liste complète de ces journalistes se trouve sur le "Blog des journalistes détenus".
La majorité de ces prisonniers d’opinion sont Kurdes et sont accusés de "collusion avec une entreprise terroriste", voire d’être eux-mêmes les "dirigeants d’une organisation terroriste". Les journalistes en question travaillent pour les quotidiens Özgür Gündem ou Azadiye Welat, la revue Demokratik Modernite, les agences de presse Dicle Haber Ajansi (Agence du Tigre) ou Firat (Euphrate, lien censuré en Turquie)... 79 d’entre eux ont été arrêtés en deux vagues par la police antiterroriste turque, les 20 et 24 décembre 2011. Un véritable crime de masse envers le journalisme, estime Etienne Copeaux sur son blog.
Le procès qui s’est ouvert lundi (10 septembre) au tribunal de Caglayan, à Istanbul, constitue un nouveau record. 44 journalistes (dont 35 détenus) y sont jugés pour des liens supposés avec le Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK) et son administration fantôme, le KCK. Un procès politique contre le journalisme d’opinion ? En août, le ministre de l’intérieur, Idris Naïm Sahin, a d’ailleurs assimilé les journalistes sympathisants de la guérilla à des "terroristes", en estimant qu’il n’y avait "aucune différence entre les balles tirées [par les rebelles dans le sud-est du pays] et les articles écrits depuis Ankara". (...)