
De passage à Paris, Iryna Dovgan et Alisa Kovalenko, abusées pendant la guerre du Donbass en 2014, témoignent pour que celles qui le sont aujourd’hui s’expriment à leur tour.
De cela, elle n’a presque rien dit pendant des années. Capturée en août 2014 par des séparatistes prorusses dans le Donbass, Iryna Dovgan, 60 ans, n’a longtemps dévoilé qu’une partie des sévices et des humiliations qu’elle a endurés, pendant cinq jours, aux mains d’une dizaine d’hommes. Battue, torturée, et menacée pour avoir apporté de la nourriture et des vêtements à l’armée ukrainienne, cette esthéticienne de Donetsk a ensuite été attachée à un poteau sur la place publique, un drapeau ukrainien sur les épaules et une pancarte autour du cou clamant : « Elle tue nos enfants. » Un photographe du New York Times, Mauricio Lima, l’a immortalisée dans cette situation, en train d’être frappée par une habitante.
Libérée quelques jours plus tard grâce au scandale déclenché par la photo, Iryna Dovgan a raconté son supplice, mais gardé pour elle les moments les plus éprouvants, ceux qui ont touché à ce qu’elle a de plus intime. (...)
Depuis 2019, Iryna Dovgan dirige le réseau SEMA Ukraine, une organisation internationale d’entraide des survivantes de crimes sexuels en période de conflit armé. Après les Etats-Unis, le Royaume-Uni et la Belgique, elle a démarré, le 1er décembre, une tournée en France avec une autre survivante et membre du réseau, la documentariste Alisa Kovalenko, 35 ans. (...)
Des milliers de cas
Huit ans après, évoquer les violences sexuelles que ses bourreaux lui ont infligées est encore une épreuve. Mais depuis l’invasion russe, le 24 février, et la multiplication de ces crimes, Iryna Dovgan s’efforce de parler « plus ouvertement » de ce qu’elle a traversé pour inciter les nouvelles victimes à sortir du silence. L’offensive russe a été un « déclencheur », explique-t-elle au Monde. « Il y a déjà des milliers de victimes, mais elles sont tellement traumatisées qu’elles n’arrivent pas à s’exprimer. Alors nous sommes là pour parler pour elles. » (...)